Bruits de bottes dans l’Himalaya: «risque de dérapage» entre la Chine et l’Inde

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Un soldat chinois face à un soldat indien sur leur frontière commune - Sputnik Afrique, 1920, 06.07.2021
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La Chine et l’Inde auraient renforcé de façon significative leurs contingents dans l’Himalaya, tout au long de leur frontière commune. Pour le général Alain Lamballe, ancien attaché militaire à New Delhi, ce déploiement militaire correspond à la stratégie défensive indienne qui se confronte à l’expansionnisme chinois.

Comme des allures de guerre froide.

Des centaines de milliers d’hommes sont massés de part et d’autre des 3.500 km de la frontière commune entre l’Inde et la Chine. Tour à tour, les médias américains Bloomberg et The Wall Street Journal ont fait état ces derniers jours d’une augmentation impressionnante du nombre de troupes indiennes et chinoises dans l’Himalaya. Le chiffre de 200.000 soldats indiens postés dans les trois secteurs les plus importants, soit une augmentation de 40% en un an, est même avancée par l’agence économique.

​Selon les estimations d’Alain Lamballe, général (2S), spécialiste de l’Asie du Sud au CF2R (Centre français de recherche sur le renseignement), 50.000 à 60.000 d’entre eux seraient déployés dans le Ladakh oriental, théâtre de plusieurs escarmouches meurtrières en 2020. Face à eux, dans la même région, le quotidien new-yorkais révèle la présence d’au moins 50.000 militaires de l’armée populaire de libération (APL) chinoise, contre 15.000 il y a un an. Alors que les négociations bilatérales n’ont pas réellement avancé, les deux puissances -en particulier New Delhi- sont obligées, de maintenir le contact en augmentant leurs effectifs «de façon à ne pas céder le moindre pouce de terrain».

Qui est à l’offensive dans le Ladakh?

Côté indien, plusieurs sources «bien informées» de Bloomberg expliquent ces déploiements de troupes sur la frontière de facto, appelée Ligne de contrôle effectif (LAC, Lign of Actual Control), par l’adoption d’une nouvelle posture offensive. Ce qui modifierait radicalement la stratégie traditionnelle de New Delhi, qui ambitionnerait désormais, à en croire ces sources, de reconquérir certains territoires passés sous contrôle chinois. En 2020, l’armée indienne aurait perdu sur le toit du monde 300 km2 de terrain face à la poussée chinoise.

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Le général Lamballe reste toutefois sceptique.

«Les Indiens n’ont aucun intérêt à déclencher les hostilités. Ce que veulent les Indiens, c’est maintenir leurs positions au Ladakh de façon à ce que les Chinois ne progressent pas davantage en direction des positions tenues à l’ouest du glacier de Siachen, tenu par les Pakistanais.»

Selon le général, Pékin poursuivrait en revanche deux objectifs: «couper l’Inde du Xinjiang», cette région désertique et montagneuse du nord-ouest de la Chine, et l’élargissement de la frontière avec son allié pakistanais.

En février, l’Inde et la Chine avaient opéré un désengagement partiel conjoint de leurs forces autour du lac Pangong Tso, à plus de 4.000 m mètres d’altitude, après plusieurs mois d’intenses négociations. «Mais ça n’aboutit à rien», considère l’ancien attaché militaire à New Delhi et à Islamabad, qui évoque «un statu quo qui va perdurer». Wang Wenbin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a estimé fin juin que la situation actuelle à la frontière est «généralement stable», appelant à ce que les «paroles, les actes et les déploiements militaires» contribuent à «apaiser» les tensions et «accroître la confiance mutuelle.»

L’Inde cherche à mettre en place une «dissuasion crédible»

Cité par Bloomberg, D. S. Hooda, un ancien haut gradé indien, s’inquiète pourtant que les bruits de bottes se soient récemment multipliés dans l’Himalaya: «un petit incident local pourrait dégénérer, telle une spirale hors de contrôle, avec des conséquences imprévisibles.»

«Il y a toujours évidemment un risque de dérapage», admet Alain Lamballe: «Il peut y avoir des conflits locaux, sans que ce ne soit voulu en haut lieu. Mais ça n’aboutira pas à une guerre généralisée. Je n’y crois absolument pas. Les Chinois comme les Indiens ne déclencheront pas de guerre généralisée.»

Sachant pertinemment les conséquences redoutables d’un tel conflit, les deux parties ont régulièrement calmé le jeu lors de séances de négociations.

Ainsi les troupes indiennes «continueront à faire face» aux troupes chinoises, lesquelles devraient attendre des conditions favorables, «diplomatiques, économiques et une détérioration côté indien» afin éventuellement de «gagner un petit peu de terrain au Ladakh». Justifiant ainsi sa position sur la posture indienne qui reste une stratégie défensive, consistant «à ne pas céder un pouce de terrain.»

«L’avantage est du côté chinois»

Car les circonstances jouent contre New Delhi, notamment la disproportion des forces en présence de ces deux mastodontes, qui est largement favorable à Pékin. Selon le chercheur Gilles Boquerat, qui vient de publier à ce sujet une note pour la Fondation pour la Recherche stratégique, l’Inde n’est «pas dans un rapport de force qui lui permet de reconquérir» le terrain perdu. Les carences indiennes sont nombreuses, du désordre du haut commandement jusqu’aux déficits d’effectifs, de matériels et de logistique. «L’avantage est du côté chinois», notamment sur le plan technologique, confirme Lamballe, qui fait aussi référence aux capacités cyber chinoises.

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Les dépenses militaires de Pékin ont atteint 252 milliards de dollars en 2020 contre 72,9 milliards de dollars pour l’Inde. Ainsi, New Delhi souhaiterait-il avant tout mettre en place une «dissuasion crédible visant à décourager toute intrusion chinoise», explique la note. Ce déploiement supplémentaire de troupes indiennes, accompagné de la construction d’infrastructures et de réseaux routiers, répondrait ainsi à ce dernier objectif.

«Il est nécessaire de construire des infrastructures plus permanentes, chez les Indiens comme les Chinois, qui sont décidés à maintenir leurs positions. Donc, il faut évidemment améliorer leurs conditions de vie de ces soldats qui vont encore endurer un hiver extrêmement difficile dans quelques mois», précise l’ancien attaché militaire.
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