Le Canada face à son «génocide»: d’autres corps d’enfants découverts, «on a minimisé car ce sont des Premières Nations»

CC BY 2.0 / Claude Robillard / Chef de tribu abénaqui d'Odanak, Canada
Chef de tribu abénaqui d'Odanak, Canada - Sputnik Afrique, 1920, 02.07.2021
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Églises brûlées, fête nationale «annulée»: au Canada, la colère gronde tandis que d’autres corps d’enfants autochtones non identifiés sont retrouvés. Pour Serge Otsi Simon, grand chef de la communauté de Kanesatake, les traumatismes engendrés par les pensionnats expliquent bien des problèmes sociaux que vivent aujourd’hui les Autochtones.

Au pays de l’érable, pourtant réputé pour sa grande tolérance, ils sont actuellement plusieurs à demander l’apostasie à l’Église catholique. La cause? Les découvertes de corps d’enfants autochtones non identifiés sur les sites d’anciens pensionnats, alors que les recherches ne font que commencer.

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Consacrés à l’assimilation des Autochtones à la culture européenne, un grand nombre de ces établissements étaient administrés par les institutions chrétiennes, et en particulier par l’Église catholique.

Une troisième découverte à glacer le sang

Après les macabres découvertes de Kamloops en Colombie-Britannique, et de Marieval en Saskatchewan, voilà qu’un troisième endroit contenant des dépouilles d’enfants autochtones vient d’être identifié. Il s’agit du site de l’ancien pensionnat Saint-Eugène situé tout près de la petite ville de Cranbrook, en Colombie-Britannique: 182 corps y ont été recensés.

«Appelons les choses par leur nom: il s’agit d’une tuerie de masse de gens des Premières Nations», s’est insurgé le chef Louie de la nation touchée, la communauté Aq’am du peuple Ktunaxa.

Grand chef de la communauté de Kanesatake enclavée dans la municipalité d’Oka, au Québec, Serge Otsi Simon n’est aucunement surpris par ces découvertes. Selon les chiffres d’Ottawa, durant les XIXe et XXe siècles, au moins 150.000 jeunes issus des Premières Nations ont été placés dans des établissements de type scolaire contre la volonté de leurs familles. Le fait que certains d’entre eux ne revenaient jamais à la maison était un «secret de polichinelle» dans les communautés amérindiennes, explique au micro de Sputnik le grand chef Simon:

«Le choc rouvre la plaie. Ça fait des générations qu’on savait que des enfants étaient enterrés sur le site des écoles résidentielles. C’est un sujet très sensible pour les survivants des pensionnats. […] Ce qu’il est important de comprendre, c’est que plusieurs problèmes sociaux peuvent avoir été engendrés par ces établissements. Par exemple, on s’aperçoit que les personnes qui commettent des abus sexuels ont souvent été elles-mêmes agressées dans les pensionnats. C’est une chaîne. La question du suicide et de l’alcool s’y rattache aussi», constate Serge Otsi Simon.

En réponse à ces découvertes appelées à se multiplier, le Premier ministre fédéral, Justin Trudeau, avait invité à faire de la fête nationale du Canada, le 1er juillet, un jour de réflexion et non de célébrations. Sur les réseaux sociaux, le mouvement #CancelCanadaDay a fait son apparition. Ces derniers jours, plusieurs églises catholiques ont été brûlées, des «incendies criminels» dénoncés par Trudeau.

L’Église catholique sommée de s’excuser

Comme d’autres leaders autochtones, le grand chef Simon tient responsables l’État canadien et l’Église catholique pour les différents méfaits commis à l’encontre des Premières Nations. Il rappelle que dans l’histoire, la congrégation des Sulpiciens s’est approprié de nombreuses terres de la nation mohawk à laquelle il appartient. «L’Église catholique a prospéré grâce à la misère de notre communauté», fustige-t-il.

Il demande donc au pape François de s’excuser formellement au nom de son institution, et à ce que les sites soient considérés comme des scènes de crime «jusqu’à ce que les coupables aient été jugés devant la loi».

«Imaginez si on avait fait ça à des juifs... Si des enfants juifs avaient été enterrés par centaines, de manière anonyme, sans en informer la famille. Cela soulèverait tout un tollé…  On a minimisé la situation car ce sont des Premières Nations. Pour ma part, je n’hésite pas à parler de génocide. Si ce n’est pas un génocide, qu’est-ce que c’est?», demande le chef autochtone.

Le Centre national pour la vérité et la réconciliation –le principal organisme chargé de faire la lumière sur les pensionnats– a reçu 2,6 millions de dollars supplémentaires pour appuyer ses recherches et tenir à jour le registre de décès des élèves autochtones. L’organisme a également la responsabilité d’assurer que des sépultures et des monuments commémoratifs soient érigés en mémoire de ces jeunes disparus arrachés à leurs proches. Ottawa promet donc de poursuivre les investigations.

​Des actions suffisantes pour refermer la plaie? Si certains de ses confrères prônent une autonomie plus importante pour leurs communautés, voire la «décolonisation» du Canada, le grand chef Simon se veut plus réaliste.

«Le Canada reconnaît déjà une certaine autonomie aux Premières Nations. Maintenant, les relations sont trop serrées entre les Autochtones et la société environnante. Est-ce les Autochtones doivent rendre leur permis de conduire et leur carte d’assurance maladie? […] Désormais, ce que nous voulons, c’est qu’autant d’énergie soit consacrée à la réconciliation que d’énergie a été consacrée à vouloir nous faire disparaître», conclut-il.
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