Nommé officiellement au poste de Premier ministre mercredi 30 juin 2021, Aymen Benabderrahmane prend les rênes du gouvernement dans un contexte économique très complexe. L’attractivité en matière d’investissements est l’un des défis qu’il se doit de relever au plus vite. L’Algérie fait face à un double phénomène: elle ne parvient pas à attirer les investisseurs et subit un désengagement de groupes internationaux importants, dans divers secteurs d’activités. Dernier cas en date: l’annonce du groupe néerlandais Veon de la cession de ses actifs dans l’opérateur mobile Djezzy à l’État algérien. Un désengagement qui intervient quelques semaines après l’annonce de celui en Algérie de British Petroleum de la compagnie nationale des hydrocarbures Sonatrach. Un responsable du ministère de l’Énergie, sous couvert de l’anonymat, a expliqué à Sputnik que la situation dans le secteur des hydrocarbures était «devenue très inquiétante».
«Les ventes d’actifs font partie de la vie économique, c’est un phénomène normal. Mais dans la situation actuelle, le désengagement des partenaires de la compagnie nationale Sonatrach sont suivis par des arbitrages puisqu’ils sont souvent les résultats de contentieux. Mais il y a plus grave: l’Algérie, dont l’économie est basée essentiellement sur la rente pétrolière, est dans l’incapacité d’attirer de nouveaux partenaires pour explorer son sous-sol et développer de nouveaux projets à cause de l’inapplicabilité de la nouvelle loi sur les hydrocarbures», indique la source de Sputnik.
Textes en jachère
Entrée en vigueur en décembre 2019, cette loi stratégique est gelée puisque la série de textes d’applications qu’elle comporte n’a toujours pas été élaborée. «Les activités de l'Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (ALNAFT) sont bloquées par l’absence de décrets. Elle est dans l’incapacité de lancer des avis d’appels d’offres pour de nouveaux blocs d’hydrocarbures», souligne le responsable du ministère de l’Énergie. C’est justement ce département ministériel qui est en charge d’élaborer ces textes, mais ils n’ont toujours pas été pris pour des raisons inconnues.
D’ailleurs, plusieurs grands groupes internationaux qui avaient fait part de leur intention d’investir en Algérie ont décidé de se retirer, selon la même source. C’est notamment le cas du groupe russe Lukoil qui avait pourtant signé un mémorandum d’entente avec Sonatrach en mai 2020.
«J’ai enregistré un maximum de dix dossiers en souffrance au sein du Conseil national des investissements. D’après les textes, le CNI est compétent pour les dossiers d’investissements qui dépassent 5 milliards de dinars (31 millions d’euros) et les projets qui bénéficient d’avantages supplémentaires, fiscaux ou autres. Il reste maintenant à voir si le fait que le CNI ne se soit pas réuni a réellement retardé les investissements», a indiqué Moustapha Zikara.
Selon lui, le blocage du CNI a eu très peu d’effet. Pour étayer ses propos, Moustapaha Zikara a mis en avant les statistiques enregistrées par l’organisme qu’il dirige.
«La pandémie de Covid-19 a provoqué une régression des investissements. Nous constatons une légère amélioration pour 2021 puisque nous avons enregistré au premier trimestre 526 projets d’investissements pour un montant total de 140 milliards de dinars (880 millions d’euros) qui permettront de créer 14.000 emplois», a-t-il insisté.
Les «moudjahidines» de l’économie
Au-delà des statistiques, la réalité des investisseurs en Algérie est loin d’être facile. Également présent à l'occasion de la présentation d'Algeria Invest, Hassen Khelifati, PDG de la compagnie Alliance Assurance, a qualifié les chefs d’entreprises de «véritables moudjahidines [combattants, ndlr] évoluant dans un maquis bureaucratique pour faire avancer leurs projets souvent au détriment de leur santé».
«Ce qui bloque les investissements en Algérie c’est le fait que la volonté politique ne se traduise pas aux échelons de décision: de l’administration centrale à l’administration locale en passant par les banques. Au lieu d’être un vecteur de développement de l’investissement, l’administration est un vecteur de blocages. L’acte d’investir est soumis à énormément d’autorisations et de démarches bureaucratiques alors que nous avons besoin d’un choc de simplification et d’une vraie volonté de réorienter le rôle de l’administration du contrôle bureaucratique vers une logique business», a précisé Hassen Khelifati à Sputnik.
Pour l’assureur, c’est l’ensemble de l’économie algérienne qui «n’est pas assez attractive».
«Les investisseurs manquent de visibilité et de stabilité juridique. Voilà pourquoi, il est important de dissocier les changements politiques de la stabilité juridique. Il faut rassurer les investisseurs».
À défaut de pouvoir rassurer les investisseurs, l’entreprise I2B conceptrice d’Algeria Invest se propose de les accompagner à toutes les étapes de leurs projets. Première plateforme digitale dédiée à l’investissement, elle se présente comme un «outil d’aide à la décision» en mettant à la disposition des opérateurs l’ensemble les textes législatifs et réglementaires mis à jour ainsi que les opportunités d’affaires. «Notre rôle consiste à répondre aux questions pour orienter et guider les investisseurs sur le marché algérien. C’est notre vocation en apportant des solutions pratiques et claires», a relevé Hamid Batata, PDG d’I2B pendant l'événement de présentation de cette plateforme.