Si l’on compte uniquement les crises ayant secoué l’économie mondiale durant le XXe siècle, il est possible de constater que leur nombre s’est démultiplié depuis 1971, année de l’abandon du système de référence-or et de la suprématie du dollar, considéré comme le point de départ d’un ensemble d’événements qui va engendrer la période d’instabilité financière mondiale que le monde vit actuellement. Il s’en est suivi plusieurs événements majeurs dont le flottement généralisé du cours des monnaies en 1973, le début d’une mondialisation financière favorisée par la montée en puissance des investissements dans la finance en 1979 et enfin le «Big Bang» de la City de Londres en 1986, qui a consacré l’émergence des politiques néolibérales appliquant la déréglementation, la désintermédiation et décloisonnement favorable à l’épanouissement des marchés financiers au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Avec l’aide de l’économiste Omar Aktouf, professeur titulaire à HEC Montréal et membre du conseil scientifique d’ATTAC Québec, Sputnik entame une série d’émissions dans le but d’expliquer les fondements de ce néolibéralisme qui génèrent les crises répétitives sous le titre:
«Suite aux crises de 2008 et celle du Covid: leçons d’anti-économie et d’anti-management du néolibéralisme anglo-américain». Le Pr Aktouf fait partie des économistes ayant alerté depuis au moins 30 ans sur les dangers que faisait courir ce néolibéralisme anglo-américain à l’économie mondiale.
Pourquoi le concept d’économie-management?
Dans ce premier cours introductif, et afin d’analyser les problèmes ontologiques et structurels du capitalisme néolibéral anglo-américain, «il faut prendre l’économie et le management comme un tout, même si au départ nous analyserons séparément ces deux domaines», affirme le professeur Aktouf, précisant que «nous finirons par les interconnectés par la suite afin de tirer des conclusions proches de la réalité physique de l’économique».
L’économie-management, au service de qui?
Pour Omar Aktouf, le leitmotiv du capitalisme néolibéral anglo-américain «est comment gagner de l’argent. Le tandem économie-management fonctionne exclusivement pour accomplir cet objectif».
C’est ainsi que les hausses boursières provoquées d’une manière artificielle sont considérées par les adeptes du néolibéralisme comme un indicateur de la santé financière, explique-t-il, indépendamment de la situation réelle, qui est déterminée par exemple par le taux de chômage, la consommation, l’état de la santé, de l’éducation et des infrastructures.
Pour bien saisir cette notion, l’interlocuteur de Sputnik estime qu’il «est judicieux de comparer par exemple l’économie des États-Unis avec celles du Japon, de l’Allemagne et des pays scandinaves».
Quid de la relance après la crise du Covid-19?
Concernant les perspectives économiques mondiales une fois la crise sanitaire du Covid-19 vaincue, le professeur Omar Aktouf estime que «parler de sitôt d’une relance économique relève de la chimère. L’OCDE et la Banque mondiale parlent actuellement de la plus grande récession économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945».
Enfin, le professeur Aktouf juge que le néolibéralisme a créé plusieurs concept et outil destructeurs desquels il faudrait impérativement sortir: «la monnaie, le salaire, le profit, le marché libre, la compétitivité et l’homme d’affaires». «Avec d’autres économistes et le célèbre linguiste américain Noam Chomsky, nous avons réalisé un documentaire intitulé “L’Encerclement” qui montre le côté fallacieux de ces concepts et outil et déconstruit leur rôle dans l’état où se trouve l’économie mondiale», conclut-il.