Attendu, l’échec du Rassemblement national au second tour des élections régionales n’en est pas moins cinglant. Le parti de Marine Le Pen n’a obtenu aucune région ce dimanche 27 juin. Avec 19,8% des suffrages recueillis au niveau national selon l’IFOP, il voit son score reculer dans presque toutes les collectivités régionales. Au total, ce sont 10 points en moins par rapport à la même échéance électorale de 2015. L’abstention était évidemment au rendez-vous, puisque celle-ci s’élève à 65,7%, selon les estimations IPSOS pour France Télévisions, un phénomène qui a particulièrement touché le RN. De quoi entamer sa dynamique électorale, à 10 mois des élections présidentielles. La présidente du RN est aussi accusée de payer la «normalisation» de son discours en le rendant sur le fond indistinct des programmes de certaines grandes figures de la droite institutionnelle.
[À LA UNE À 8H] Le second tour des régionales a confirmé une abstention record et la prime donnée par les électeurs aux sortants LR et PS, mais marque aussi l'échec du RN à emporter une région #AFP 1/5 pic.twitter.com/N4jGVV5gvc
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Une succession d’échecs
«Une absence totale d’information, une organisation désastreuse, la sortie d’un interminable confinement et un désenchantement à l’égard des élections intermédiaire», s’est défendue Marine Le Pen face aux résultats des élections, dimanche 27 juin depuis le siège du RN à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Le sursaut des électeurs RN au second tour des Régionales n’aura donc pas eu lieu. À commencer par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui a focalisé toutes les attentions en raison du duel méditerranéen entre le candidat RN Thierry Mariani et le LR sortant, Renaud Muselier. En tête au premier tour (36,7%), le Marseillais qui prophétisait «la mort du front républicain» aura pourtant été victime de l’alliance LR-LREM. Un système «d’alliances contre -nature» dénoncée par la Marine Le Pen le soir même.
Dans au moins quatre régions, les candidats RN obtiennent des résultats inférieurs à ceux du premier tour des Régionales. Avec la plus cinglante, l’Île-de-France, où le numéro deux du RN, Jordan Bardella, n’obtient que 10,79% des suffrages, contre 13,14% au premier tour. La faible participation du week-end, autour des 34%, explique pour partie ces revers électoraux.
2- Les sortants de gauche et de droite ont le sourire. Les présidents candidats à leur réélection rempilent tous ou presque (le sort de la Bretagne n'est pas encore tranché) ⤵️ pic.twitter.com/u02XlUzbbO
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Une faible mobilisation qui frappe généralement en priorité le RN en raison de la composante populaire de son électorat, moins enclin à aller voter. L’institut IPSOS révélait dans son enquête sur la sociologie des électeurs publiée le dimanche 20 juin que près des trois quarts de l’électorat de Marine Le Pen auraient choisi de s’abstenir au premier tour. Sans parler de la région (comme le département) qui, comme le rappelle Benoît Bréville dans Le Monde diplomatique, arrive dans l’échelle de préférence des collectivités loin derrière la commune (sondage 2016 IPSOS pour le CEVIPOF et l’Association des maires de France). Pour l’élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen cumulait ainsi au second tour 33,90% des voix sur son nom. Plus de 10,5 millions d’électeurs.
Si la prudence est mère de sûreté, d’autant plus au lendemain d’une élection, l’électorat frontiste a peut-être manifesté dans ces régionales plus qu’une lassitude ou un mouvement d’humeur, mais bien un rejet de la ligne suivie par la présidente du parti, accusée d’avoir trop «normalisé» son programme.
Le Pen, Macron, Bertrand, même combat?
Depuis l’échec de l’élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen est pointée du doigt pour avoir mis un peu trop d’eau dans son vin. Une «normalisation», prolongement de la «dédiabolisation», incarnée par plusieurs mesures comme celles du refus de sortir de l’euro et de l’espace Schengen. Plus largement, c’est la distance prise par la présidente du RN sur les polémiques et débats autour de l’immigration ou de l’identité nationale qui lui est reprochée par une partie de ses militants, des membres de son appareil ou d’anciens cadres du RN. À l’exemple de Gilbert Collard ou de Jean Messiha, dont les dissensions ont été relevées par le JDD au cours de l’entre-deux-tours des Régionales.
«L’idée des stratèges de Marine Le Pen est de ne pas froisser le système sur l’Union européenne, l’islam, l’immigration. Si vous voulez devenir un parti du système, ne vous étonnez pas de prendre la même claque que le système!», confiait l’ancien membre du RN au Journal Du Dimanche.
Normaliser son discours, lisser ses aspérités les plus radicales pour «rassurer» une partie d’un électorat qui ne lui est pas acquis et demeurerait craintif de son exercice du pouvoir: une stratégie risquée, car, jeu électoral oblige, Marine Le Pen pourrait perdre ailleurs ce qu’elle gagne ici. Ce qu’analysait récemment un certain Éric Zemmour, potentiel candidat à l’élection présidentielle, au cours d’un long entretien donné à la chaîne Livre Noir.
«En vérité, il n’y a plus de différence aujourd’hui entre son discours et celui d’Emmanuel Macron ou de Xavier Bertrand», avait déclaré le polémiste, critiquant également sa stratégie de vouer «aux gémonies ceux qui critiquent l’islam, ou parlent du “Grand remplacement”».
Quoi qu’il en soit, les résultats de ce dimanche risquent d’impacter l’élection présidentielle de 2022, ne serait-ce qu’en entamant la dynamique électorale de la présidente du RN. Cette dernière, au lendemain du premier tour des élections régionales, confiait sur France Info qu’une défaite aux régionales rendrait «moins puissant» le parti pour 2022. «Il faudra probablement recréer une dynamique qui aurait été quasi automatique avec de très bons résultats aux Régionales du Rassemblement national. Mais on la recréera», précisait-elle. À n’en pas douter, la crainte de voir un concurrent direct, au hasard, Éric Zemmour, risque de s’accentuer.
Régionales : "Le RN dédiabolisé ne fait pas mieux que le RN diabolisé", estime un politologuehttps://t.co/y0vKnGB31T pic.twitter.com/VoCddjxRss
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Pour autant, la tentation restera sans doute forte pour cette dernière de ne pas corréler les deux échéances électorales en vue de 2022. Surtout au regard du dernier sondage IPSOS/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France et LCP-Assemblée nationale/Public Sénat publié le jour même des résultats de dimanche. La présidente du RN se retrouve toujours au second tour face à Emmanuel Macron, quel que soit le candidat de la droite testé. Autant dire que le prochain congrès du RN qui se tiendra le 3 juillet à Perpignan devrait être pour le moins animé.