Après la littérature et le changement de titre de certains romans comme «Dix petits nègres» d’Agatha Christie, après le cinéma et la déprogrammation de certains films sur des plateformes de streaming, voici que la «cancel culture» (culture de l’annulation) s’invite dans les musées.
S’il ne parle pas encore de purger ses collections, le Musée national suédois juge en effet désormais bon d’accompagner certaines de ses pièces de mise en garde. Depuis sa réouverture en 2018, des étiquettes d’avertissement sont peu à peu apparues, informant le spectateur du caractère «nationaliste» ou des «préjugés patriarcaux» véhiculés par telle ou telle œuvre.
Une situation qui n’a pas échappé à l’archéologue Leif Gren, qui s’en est ému dans un article pour le Vestmanlands Lans Tidning (VLT). L’expert s’arrête par exemple sur le cas du tableau «Des fidèles dans un bateau», accusé de mettre en scène des «types nationaux nordiques» et d’insister sur des «caractéristiques nationales héritées».
By Swedish artist Carl Wilhelm Wilhelmson (1866-1928): "Churchgoers in a Boat," 1909.
— Blue sign (@BluesignV) December 23, 2020
Amazing colors 👌 pic.twitter.com/51pJ1Aq56t
La sculpture de Per Hasselberg, «La Grenouille», est pour sa part soupçonnée de perpétuer une «longue tradition sexiste».
Grodan/the Frog (Per Hasselberg 1850 - 1894)#waldemars_udde#stockholm#sculpture pic.twitter.com/SKkNNA92uU
— SannVargen (@SannVargen) April 21, 2014
Les œuvres françaises ne sont pas épargnées. Le tableau de Gustave Courbet, «Joe la belle irlandaise», qui représente une femme face à un miroir, est ainsi mis en relation avec «la culture de consommation actuelle» qui pousserait les femmes à faire attention à leur apparence, notamment à leur poids.
#LoSpecchioNellArte
— Marilena Eterea (@eterea_eterea) March 23, 2018
Gustave Courbet🇫🇷 -
Jo, la belle Irlandaise (Stockholm)#DonneInArte#AmoLArte#artlovers #Art #Artwit #ArteYArt #DonneInArte pic.twitter.com/qvbz8VGEwn
Ces avertissements concernent particulièrement l’art du XIXe siècle, précise Leif Gren, décrit comme un outil «oppressif», produit d’une société «patriarcale».
L’article de l’archéologue n’a pas tardé à susciter un tollé sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes accusant le musée de dérives «gauchistes», dans un pays connu pour son modèle social-démocrate.
«L’exposition permanente est un grand endoctrinement de gauche, financé par l’argent de nos impôts», fustige un internaute.
Nationalmuseum märker sina tavlor med tokvänsterpolitiska pekpinnar.
— Michael Levandi (@mikelevandi) June 21, 2021
”Kyrkfolk i båt” av Carl Wilhelmsson beskrivs som rasistisk sic(!)
Den permanenta utställningen är en enda lång vänsterindoktrinering – finansierad av våra skattepengar.#svpol https://t.co/kapB6PusWz
Des musées sous pression
Ce n’est pas la première fois que des débats sur le racisme et le sexisme s’invitent dans les musées. Aux États-Unis, berceau de la «cancel culture», un collectif d’artiste avait notamment lancé le mouvement Strike Moma, mi-avril, contre le célèbre Musée d’art moderne de New York.
Les militants reprochaient notamment au musée d’avoir été construit sur des terres spoliées aux peuples amérindiens. Un communiqué accusait également l’institution d’abriter plusieurs œuvres «pillées en Afrique, dans le Pacifique et aux Amériques».
La question des restitutions d’œuvres d’art conservées dans les musées occidentaux revient d’ailleurs souvent au cœur des débats. En octobre 2020, l’Assemblée nationale française a voté une loi pour la restitution, au Bénin et au Sénégal, de certains biens culturels amenés en France à l’époque coloniale.