Des incidents liés au port de signes religieux dans des bureaux de vote commencent à faire surface, deux jours après les scrutins régionaux et départementaux. Après un cas très médiatisé à Saint-Denis, c’est au tour de la commune de Vitry-sur-Seine de flirter avec l’illégalité, rapporte Le Parisien.
Rachida Kabbouri, conseillère municipale EELV, s’est en effet portée volontaire pour prendre la présidence d’un bureau de vote local. L’élue a assuré sa fonction vêtue d’un voile, ce qui lui a valu quelques insultes, une électrice la qualifiant «d’islamiste».
Si la commission de contrôle venue visiter le bureau n’a rien trouvé à redire sur son foulard, la préfecture en a décidé autrement. Rachida Kabbouri a en effet dû abandonner son rôle de présidente, incompatible avec le voile, pour devenir assesseure.
«Plusieurs remontées ont été enregistrées par nos services de la part de gens qui s’étonnaient de cette situation. Nous avons regardé le code électoral et les choses sont claires: un président de bureau de vote est soumis à la neutralité en tant que représentant de l’État […]. Il ne doit donc porter aucun signe religieux ostensible», explique au Parisien la préfecture du Val-de-Marne.
Plus étonnant: le maire PCF de Vitry-sur-Seine semblait au courant de la loi et n’a pas jugé nécessaire d’effectuer de changements. Il se défend auprès du quotidien en précisant n’avoir «pas eu la même interprétation que la préfecture».
La principale intéressée, syndicaliste et engagée dans la vie associative, a finalement accepté son changement de poste, mais se dit choquée par l’intervention des pouvoirs publics.
«Cela nous renvoie l’idée que les Français issus de la diversité resteront toujours les larbins de service […]! Si on me reproche le foulard, qu’on bannisse alors les barbes des hommes et qu’ils viennent rasés de près puisque la barbe est un signe dit religieux», peste-t-elle auprès du Parisien.
Signe religieux dans l’espace public
Les débats autour du port de signes religieux dans l’espace public font rage depuis plus de 30 ans en France. L’affaire dite des «foulards de Creil» en 1989 avait déjà attiré l’attention sur la présence du voile dans l’enceinte des établissements scolaires. Après cinq ans de polémique, l’affaire avait débouché sur la «circulaire Bayrou», différenciant les symboles «discrets» des signes «ostentatoires» interdits en classe.
Un constat entériné par la loi de 2004, prohibant les tenues qui manifestent «ostensiblement une appartenance religieuse» dans les établissements scolaires. Le voile ou la kippa étant explicitement visés. Les signes discrets restent pour l’heure autorisés.
Dans le reste de l’espace public, le port de signes religieux n’a jamais été réellement remis en cause, même si la loi du 11 octobre 2010 stipule que les tenues destinées «à dissimuler le visage» ne sont pas tolérées.
Outre le voile, le port du burkini sur certaines plages ou dans certaines piscines a lui aussi souvent fait polémique. Durant l’été 2016, plusieurs maires avaient d’ailleurs pris des arrêtés pour tenter de le faire interdire sur leur commune, avant d’être désavoué par le Conseil d’État.
Quant aux incidents dans les bureaux de vote, ils étaient plutôt rares jusqu’alors. Ce 20 juin, Jordan Bardella, candidat Rassemblement national en Île-de-France a pourtant reporté un cas similaire à Saint-Denis. Sur Twitter, le vice-président du RN a posté une photo le montrant en train d’émarger en face d’une femme voilée, après son passage aux urnes. L’image a suscité un tollé.
A voté, à Saint-Denis 🗳 pic.twitter.com/MnODlWQnTe
— Jordan Bardella (@J_Bardella) June 20, 2021
Contrairement à Vitry-sur-Seine, l’intéressée n’était pas présidente du bureau, mais simple assesseure. Sa tenue ne contrevenait donc pas à la loi, avait rappelé le maire de Saint-Denis sur les réseaux sociaux.