L'article a été mis à jour après l'obtention du commentaire de Fabien Gaertner, créateur du jeu immersif Foretscape, qui est au centre des polémiques.
Alors que le jeu immersif baptisé Foretscape et dédié à l’histoire des Malgré-nous, les soldats alsaciens et mosellans incorporés de force dans l'armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale, a été élaboré comme un loisir, tout le monde dans la région ne le perçoit pas comme tel. Plusieurs voix se sont notamment levées contre cette initiative.
Selon le sujet de ce jeu, qui est proposé à deux ou maximum à six personnes, le tâche principale est de réussir à s’échapper d’un camp de redressement, comme celui de Schirmeck sur le territoire français occupé par le Troisième Reich, «tentez de disparaître dans la nature sans laisser la moindre trace à l'ennemi qui est à vos trousses», explique le site du jeu. Lors de cette tentative, les joueurs devront résoudre différentes tâches. Le jeu se déroule dans la forêt du Schnepfenried, dans le Haut-Rhin, et est proposé jusqu’à la fin août.
Parmi ceux qui ont critiqué ce jeu il y a Bernard Rodenstein, l’ancien président de l’Association des pupilles de la nation d’Alsace. Pour lui, «édulcorer l’histoire c’est le chemin qui conduit au négationnisme», selon ses propos accordés au quotidien Le Parisien en réaction à l’idée de Foretscape.
Il a en outre qualifié de scandale «d’avoir créé une activité mercantile et ludique sur le sort de 130.000 malheureux», ajoute Le Parisien.
Néanmoins, tout le monde ne se manifeste pas aussi critique que Bernard Rodenstein. L’historien Nicolas Mengus, contacté par Sputnik, avoue notamment qu’il reste perplexe en ce qui concerne le concept de ce jeu «dans lequel fiction et réalité historique se mélangent forcément».
«Je comprends parfaitement que cette approche du drame de l’incorporation de force, originale et surprenante, puisse être dérangeante», précise-t-il à Sputnik.
Pourtant, il ajoute avoir espoir que les participants à ce jeu soient sensibles au passé de ces malheureux soldats, car autrement certains n’auraient jamais appris cette page d’histoire.
«Je suis persuadé que l’histoire des Malgré-nous ne doit pas rester l’apanage des historiens et des chercheurs, mais que les artistes - au sens large du terme - doivent s’en emparer, que ce soit sous forme de bandes dessinées, de films, de pièces de théâtre ou de toute autre forme d’expression artistique», relate Nicolas Mengus à Sputnik.
En guise de conclusion, l’historien a tenu à souligner que «l’essentiel est que cela se fasse dans le strict respect du calvaire enduré par les incorporés de force et leurs familles».
Une manière de faire vivre cette histoire
Alors que des critiques ont été formulées contre ce jeu et le sujet choisi, pour le concepteur de Foretscape l’idée principale est de faire connaître aux gens l’histoire des Malgré-nous, Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l'armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale.
Fabien Gaertner a détaillé à Sputnik que le thème n’a pas été choisi au hasard et qu’il joue un rôle important pour lui.
«Le but principal était de rendre hommage à mon grand-père lui-même Malgré-nous, c’est d’ailleurs sur sa forêt que l’activité se déroule. Je voulais raconter son histoire, et rendre cette activité ludique qu’est l’espace game. Je voulais que Foretscape devienne un nouveau vecteur de transmission, gardien supplémentaire du devoir de mémoire de cette histoire. Je voulais prendre ce rôle de compteur, qui a lu les livres et les raconte aux autres qui ne les liront pas», explique Fabien Gaertner.
Étant lui-même metteur en scène et comédien, il ne voit pas de problème dans le fait de raconter un épisode historique de la région à travers un jeu, qui, d’après lui, ne peut pas être au sens noble du terme péjoratif.
«On peut jouer une histoire aussi tragique soit elle, tout en lui apportant tout le respect qui lui est du», ajoute-t-il.
De plus, en défendant sa création, Fabien Gaertner relate que dans le cadre du jeu immersif proposé il n’est jamais question de quelques actions inappropriées, en soulignant que «les activités ludiques et pédagogiques sont devenues un moyen fort de transmission».
«Dans notre activité, il n’est jamais question de tuer, jouer au soldat ou autre idée inappropriée mais au contraire de résoudre des énigmes appuyées sur des faits historiques afin que les participants manipulent cette histoire pour la comprendre», raconte-t-il.
En outre, il évoque aussi le fait que cet épisode douloureux de l’histoire pour la région tombe dans l’oubli et que les futures générations risquent de ne pas la connaître.
«Il faut savoir que ce sujet est très sensible dans notre région, les Malgré-nous et leur histoire restent à ce jour encore une plaie vive qu’il faut respecter. Ces générations ont décidé de mettre une chape de plomb sur cette histoire pour tenter d’oublier cette douleur. Le fait est qu’avec cette méthode le passé de ces 130.000 hommes risque de tomber dans l’oubli pour les générations futures» précise-t-il pour Sputnik.
Interrogé sur la polémique née autour de son jeu, Fabien Gaertner affirme que sa «démarche est juste, car elle révèle bien ce tabou qui a rompu la transmission intergénérationnelle et la nécessité de conserver cette histoire qui s’efface déjà».
Pour conclure, il a tenu à préciser qu’il restait ouvert à un dialogue concernant sa démarche et prêt à discuter avec ceux qui la critiquent.