Les élections législatives algériennes du 12 juin 2021 ont provoqué un net recul en matière de représentativité des femmes. Alors qu’elles étaient 118 à siéger au sein de la législature précédente, elles ne sont plus que 34 dans la nouvelle Assemblée nationale populaire (ANP) sur un total de 407 députés. L’Algérie, qui était à la 65e position en matière de représentativité féminine dans le classement international des parlements, va chuter au plus bas du tableau. Le taux de représentativité va passer de 25,8% à 8,35%, soit juste derrière la République centrafricaine qui est classée à la 172e position avec 8,60%.
Les quotas, un mal pour un bien
Une situation très grave pour un pays qui avait mis en œuvre des mécanismes pour renforcer la présence des femmes dans les fonctions électives. L’Algérie a ratifié l’ensemble des conventions internationales et continentales en matière de protection des droits civiques des femmes, notamment la Convention sur les droits politiques des femmes ainsi que le protocole additif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes. C’est d’ailleurs ces engagements qui ont conduit l’Algérie à introduire le système des quotas lors des opérations électorales.
«C’est le nouveau mode de scrutin qui pose problème. La nouvelle loi est revenue sur un acquis très important qu’est celui du quota. Il faut reconnaître que l’ordonnance fixant les modalités augmentant les chances d’accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues avait permis de faire évoluer les choses. Le système des quotas est le résultat d’un travail énorme qui avait été effectué par les féministes et des acteurs de la société civile. Mais là on supprime tout et voici le résultat», regrette la militante féministe.
Conjoncture complexe
Imposée par voie d’ordonnance au mois de mars 2021, cette loi introduit le système des listes ouvertes, avec vote préférentiel comme mode de scrutin. Par le passé, les électeurs choisissaient une liste préétablie qu’ils introduisaient dans l’urne. Mais cette fois-ci, ils peuvent cocher les noms des candidats de leur choix sur cette liste. Les candidates sont donc souvent passées à la trappe. Dans les faits, le nouveau système dispense, pour ainsi dire, du recours au système de quotas. D'ailleurs, on ne retrouve aucune trace de l’ordonnance l'ayant institué, dans le visa du nouveau code électoral qui ne l'a pas pour autant abrogée.
Pour sa part, Amel Hadjadj reconnaît qu’elle s’attendait à une nette baisse du nombre de députées.
«J’avais lu le texte dès qu’il a été promulgué et j’en ai parlé avec plusieurs militantes, notamment Me Nadia Aït Zaï, la fondatrice du Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (CIDDEF). Notre marge de manœuvre était très limitée, car cette loi avait été promulguée par ordonnance, nous devions donc la subir sans possibilité de réagir», explique-t-elle.
En effet, une telle révision ne peut qu'être à l'initiative du gouvernement ou des parlementaires, dont une partie a été élue sur la base de cette même loi, rappelle Amel Hadjadj, qui met en avant son appartenance au mouvement citoyen Hirak et dénonce les nombreuses interpellations de citoyens.
«Nous sommes entre le marteau et l’enclume. Mais je fais partie de celles et de ceux qui estiment qu’il est nécessaire de saisir les institutions du pays face à une telle situation, nous ne pouvons pas attendre que le Hirak aboutisse pour modifier ces mécanismes qui font reculer les droits des femmes. Cependant, nous sommes conscientes que nous ne sommes pas écoutées, car tous les appels lancés par les féministes pour dénoncer les féminicides et les violences faites aux femmes n’ont trouvé aucun écho. Les autorités ne réagissent pas à nos lettres, d’ailleurs nous avons des difficultés à obtenir des accusés de réception lorsque nous les déposons auprès des différentes institutions», assure Amel Hadjadj.
La militante se dit concernée «par toutes les discriminations que subissent les femmes algériennes en dehors ou à l’intérieur du système». Mme Hadjadj se montre d’ailleurs critique envers les acteurs du Hirak: «la misogynie n’est pas une exclusivité du pouvoir, c’est un fait à l’intérieur même du Hirak. Lorsque des initiatives ont été organisées par des acteurs du mouvement citoyen, cela s’est passé de la même manière que ces législatives. Les femmes étaient sous-représentées».