«Je soutiens l'Arabie saoudite, et la moitié de l'Arabie saoudite est constituée de femmes. Donc je soutiens les femmes», déclarait le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) en avril 2018 dans une interview pour le magazine américain The Atlantic.
Vision 2030
Des mesures d’émancipation des femmes qui n’ont pas pour unique moteur l’amélioration de la condition humaine et les droits des femmes, tempère au micro de Sputnik la spécialiste du Golfe Anne Gadel, collaboratrice à la Fondation Jean-Jaurès.
«Toutes ces mesures qui visent à libéraliser la société s’inscrivent dans une stratégie à long terme d’ouverture de la société. L’objectif, c’est de donner des gages à l’international et d’attirer des capitaux de l’étranger».
Décret par décret, Mohammed ben Salmane, dirigeant effectif du royaume, se donne ainsi les moyens de ses ambitions en attendant de récupérer le pouvoir à son père, le roi Salmane.
«Le principal défi et le projet sur lequel MBS mise tout, c’est la réussite de Vision 2030», résume notre interlocutrice.
Ce projet vise à diversifier l’économie en passant par une réduction de la dépendance historique au pétrole. Le développement de plusieurs secteurs dont la santé, l’éducation, le tourisme sont aussi parmi les priorité de ce gros plan porté par Mohammed ben Salmane.
Intégrer les femmes et les jeunes à l’économie saoudienne
«Les objectifs de diversification de l’économie, d’investissements dans de nouveaux secteurs et de passage du relais de la croissance au secteur privé, sont guidés par la nécessité absolue de création d’emplois», résume ainsi la direction général du Trésor.
Véritable vitrine de cette ambition monstre de transformation d’une des vingt plus grandes économies du monde, le projet Neom: créer à partir de rien une ville futuriste et verte qui sera construite, si elle voit le jour, dans le désert face à la mer Rouge.
«Afin d’atteindre ses objectifs, MBS a compris qu’il fallait non seulement donner à l’Occident des gages politiques d’ouverture et de libéralisation, mais aussi en interne, il a bien compris qu’il faudra s’appuyer sur une société qui sera plus en mesure de travailler et d’entrer dans le secteur privé», précise Anne Gadel. «Pour cela, il faut toucher les jeunes et les femmes qui constituent deux viviers de population à cibler et intégrer», ajoute la chercheuse.
Affectée par la pandémie et la chute des cours du brut, l’économie saoudienne a pris un sérieux coup avec une contraction de -4,1% de son PIB en 2020. Le secteur pétrolier, principale rente du royaume, a subi le double effet de la chute des cours et des réductions de production décidées par l’alliance OPEP+ en avril et juin 2020.
Une crise économique passagère qui a fait office d’accélérateur de particules vers la modernisation de l’économie du royaume. Afin de dynamiser le secteur privé le prince hériter a consenti à d’importants efforts sur le plan politique et économique. En février, le jeune dirigeant a annoncé la mise en place d’une série de réformes judiciaires visant à placer le royaume sur la voie du droit codifié. Ces réformes constituent un changement majeur dans ce pays profondément conservateur, dont le système juridique est actuellement basé sur la loi islamique.
Des milliers de milliards de dollars pour dynamiser le secteur privé
«Les divergences entre les décisions de justice ont entraîné un manque de clarté dans les règles régissant les incidents et les pratiques et ont fait beaucoup de mal, surtout aux femmes», justifiait le 8 février le prince héritier, cité par la SPA, l’agence de presse saoudienne.
Un processus d’intégration des femmes et de diversification de l’économie qui s’est aussi accéléré face à la concurrence régionale.
«Il y a avec les Émirats arabes unis une concurrence accrue. Il ne s’agit pas simplement d’attirer des capitaux, mais il s’agit d’attirer de la main d’œuvre étrangère qualifiée et de les faire aimer et rester en Arabie saoudite. Sur ce dernier point, Riyad accuse un retard sur certains de ses voisins du Golfe», explique Anne Gadel.
Contrairement à son voisin émirati, l’Arabie saoudite, gardienne des lieux saints de l’islam, doit composer avec les oulémas, influents gardiens du temple islamique, ce qui freinerait la fuite en avant culturelle.