Quel sera l’avenir des francophones du Canada, alors que l’anglais est depuis longtemps largement majoritaire en Amérique du Nord? Cette question est au cœur de la vie politique du Canada depuis la fondation de la fédération, en 1867.
La langue de Molière: un déclin inéluctable?
«Faire progresser la francophonie»: l’intention est louable, mais ne s’agirait-il pas plutôt d’en freiner le déclin? Depuis plusieurs années, de nombreux observateurs et organismes s’inquiètent de la perte de vitesse du français, qui est pourtant l’une des deux langues officielles du pays de l’Érable. Selon l’agence publique Statistique Canada, en 2011, la proportion de francophones au Canada était de 3,8% sans le Québec, et cette proportion est appelée à passer à 2,8% en 2036.
«La survie de la francophonie hors Québec aura un avenir parce qu’il y a un afflux d’immigration en provenance du Québec dans les communautés concernées. En 1930, on prédisait déjà la fin des francophones de l’Ouest. On oublie souvent qu’il y a toujours une immigration d’Est en Ouest au Canada. Les francophones hors Québec réussissent donc à se maintenir», analyse l’auteur de ‘‘Sept leçons sur le cosmopolitisme’’ (éd. Québec Amérique, 2019).
Le 14 juin dernier, la ministre fédérale du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, a fait savoir qu’Ottawa s’apprêtait à reconnaître le français comme langue officielle du Québec. Ce changement législatif coïncidera avec la réforme de la loi sur les langues officielles qu’elle pilote. Il s’agit d’un geste sans précédent de la part du gouvernement fédéral.
Meilleure protection du français: Ottawa ne dit pas non
Selon Joseph Yvon Thériault, les Libéraux du Premier ministre fédéral, Justin Trudeau, se montrent «plus sensibles à cette question» depuis quelques mois. Le geste surprend, compte tenu du rapport souvent jugé conflictuel au français et au Québec qu’a longtemps entretenu ce parti. Une ouverture annonçant des temps nouveaux?
«Il se passe quelque chose à Ottawa. Pour la première fois, le fédéral semble accepter une logique d’asymétrie, alors qu’il avait toujours insisté sur le bilinguisme officiel. Cette dernière approche ne considérait pas la francophonie comme une communauté minoritaire ayant besoin de protection. […] C’est une nette évolution par rapport à l’ancienne manière de concevoir les deux langues au Canada», constate le sociologue.
«Le gouvernement de François Legault paraît plus prédisposé que les précédents à assumer que le Québec doit rester en quelque sorte le phare de la francophonie canadienne. Le fait que ce gouvernement ne cherche pas à réaliser l’indépendance du Québec contribue au retour de l’idée d’un destin partagé entre tous les francophones du pays […]. Il y a un retour de l’idée du Québec comme foyer et défenseur principal du français dans l’ensemble canadien», se réjouit Joseph Yvon Thériault.