Le 4 juin, une veillée funéraire dans le quartier de la Plaine Saint-Denis (93) a donné lieu à l’intervention de plusieurs patrouilles de police. Des habitants du quartier réunis pour se recueillir en mémoire d’un jeune de 20 ans décédé la veille ont été la cible de tirs de grenades lacrymogènes et de LBD que l’enquête de Mediapart a trouvés massifs et disproportionnés.
Le 7 juin, des membres associatifs du quartier, des parents et le député de La France insoumise Éric Coquerel ont publié un communiqué qualifiant de «mensong[ère]» la version de la police qui «aurait dit avoir été attaquée».
«Pendant l’intervention, de nombreuses personnes ont fait l’objet d’injures racistes et de coups volontaires de la part de membres de la police», indique le communiqué cité par Mediapart et dénonçant les agissements de certains policiers qui «ont franchi un cran».
De nombreux témoignages livrés à Mediapart par des habitants du quartier font état d’un déchaînement de violence.
«Vous voulez qu’ils répondent comment?»
«Il y a des choses qui ne peuvent pas passer. Lancer des lacrymos alors qu’il y a des enfants, des mères, c’est nous prendre pour qui?», s’indigne une jeune femme qui évoque également sa «mère bousculée par les policiers et tombée à terre», des «cris» et de «la fumée».
«Après, ne venez pas demander aux jeunes de rester calmes dans une telle situation. On agresse leur mère, leur petit frère. Vous voulez qu’ils répondent comment?», signale-t-elle, ajoutant que la police qui est là «pour les protéger, a préféré les tabasser», s’associant de fait au contenu général des autres témoignages.
La préfecture de police de Paris n’a rien expliqué sur l’emploi de grenades lacrymogènes en présence d’enfants, se contentant d’indiquer que «vers 21 heures, lorsque les policiers ont demandé de libérer la voie publique où étaient stationnés plusieurs véhicules, ils ont été pris à partie par plusieurs jeunes et ont dû appeler des renforts».
Une altercation à l’origine des violences
Les témoignages recueillis par Mediapart sur la teneur des premiers échanges entre les policiers et les jeunes divergent. Une altercation violente aurait eu lieu entre le frère du défunt et un policier.
Lorsque les policiers ont tiré les premières grenades de gaz lacrymogène en direction des familles, des jeunes auraient alors lancé des projectiles.
Cette version est contestée par plusieurs témoins selon lesquels les tirs de grenades lacrymogènes et de LBD ont été faits sans sommation alors que les policiers n’étaient pas menacés. Cependant, une dizaine de patrouilles s’est rapidement retrouvée sur les lieux et l’ensemble du quartier a été quadrillé.
Mobilisation des policiers en colère
Ces faits ont eu lieu un peu plus de deux semaines après la mobilisation des policiers réclamant un renforcement de la réponse aux agresseurs et meurtriers de forces de l’ordre.
Ce rassemblement a lui-même été organisé deux semaines jour pour jour après le meurtre d’Éric Masson, tué lors d’une opération antidrogue à Avignon et suite à l’assassinat, le 23 avril, de Stéphanie Monfermé au commissariat de Rambouillet.
Des responsables syndicaux ont indiqué que de nombreux policiers «en colère» et «écœurés» voyaient dans la mort du brigadier lors d’une intervention banale un symbole des violences répétées à leur encontre nécessitant une «réponse pénale» plus ferme.
Dans un communiqué publié à la veille de la mobilisation, l’ensemble des syndicats a avancé que le gouvernement devait «concrétiser des mesures devenues urgentes pour améliorer la réponse pénale, mieux protéger les policiers et rendre plus forte la police républicaine».