Déposé pour la première fois en juillet 2019, le projet de loi bioéthique qui prévoit l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes est de retour au parlement à partir de ce lundi. Tandis que les couples de femmes et les Françaises seules s’impatientent de voir le résultat d’une troisième lecture de ce projet de loi -déjà adopté par l’Assemblée nationale- au Sénat, les femmes en Russie ou en Belgique peuvent déjà recourir à cette pratique.
La PMA: qu’est-ce que c’est?
La PMA ou assistance médicale à la procréation (AMP) est un dispositif qui permet à des couples infertiles d’avoir un enfant. Sur le plan médical, la procédure consiste à manipuler un ovule et/ou un spermatozoïde pour favoriser l’obtention d’une grossesse, explique le site de l’Inserm.
En France, par exemple, 25.120 ou 3,3% de tous les enfants nés en 2018 ont été conçus grâce à l’AMP, informe le site de l’assurance maladie.
Aujourd’hui, la législation française n’autorise le recours à la PMA qu’aux seuls couples hétérosexuels souffrant d’un problème de stérilité ou susceptibles de transmettre une maladie grave à leur enfant. Pourtant, le projet de loi relatif à la bioéthique vise à élargir l’accès à ces technologies «sans s’affranchir de nos principes éthiques».
«Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire», indique notamment le projet de loi.
Sujet qui fait débat
Sujet controversé du point de vue éthique, l’AMP ouvert à toutes les femmes, y compris aux couples lesbiens, provoque des débats. Les «pour» et les «contre» de tous les côtés s’affrontent. Tandis que les uns parlent de la privation délibérée d’un enfant du père dans le cas de la PMA pour les femmes seules, les autres pointent le taux de divorces et soulignent que la conception d’un enfant en couple ne signifie pas forcément le faire grandir avec la présence d’un père.
Néanmoins, comme le montre le sondage de l’Ifop publié le 7 juin, l’opinion publique française est majoritairement favorable (67%) à l’ouverture de cette procédure tant aux femmes célibataires qu’aux couples lesbiens. C’est un long chemin que la société française a dû parcourir avant d’atteindre un tel taux d’approbation: de 53% pour les femmes célibataires et 24% pour les couples lesbiens en 1990 à 67% pour les deux groupes en 2021.
Des couples gays discriminés?
Comme c’est souvent le cas, s’agissant de la PMA, un problème en cache toujours un autre. Il s’agit de la question polémique concernant l’égalité entre les couples homosexuels d’hommes et de femmes en matière de conception d’un enfant. Tandis que le projet de loi en question ouvre cette possibilité aux couples homosexuels de femmes, ceux d’hommes qui, eux non plus, ne peuvent avoir un enfant sans intervention médicale, restent ainsi en quelque sorte discriminés.
L’explication de cette inégalité reste pourtant purement biologique: les hommes ne peuvent pas porter un enfant, donc pour qu’un couple d’hommes en ait un, l’utilisation à cette fin du corps d’une autre femme, une mère porteuse, s’impose. Sauf que la procédure en question, la gestation pour autrui (GPA), représente pour le moment pour les autorités françaises, une ligne «infranchissable». La GPA ne figure pas parmi les pratiques cliniques et biologiques de la PMA autorisées en France et est donc interdite par la loi. Ainsi, la question à multiples facettes de la PMA est en réalité beaucoup plus complexe qu’elle ne le semble au premier regard.
Ouverte pour les Russes seules
La législation russe en la matière est plus développée que dans certains pays européens. Non seulement la PMA y est autorisée, parallèlement aux couples hétérosexuels, aux femmes célibataires, mais elle est aussi remboursée par l’assurance maladie si aucune contrindication médicale n’a lieu.
Et même plus: l’utilisation des cellules germinales de donneur et/ou celles cryoconservées mise à part, la GPA figure également parmi les débouchés à prendre, dispose la loi russe.
«Un homme et une femme, mariés ou non, ont le droit de se servir de technologies de procréation assistée avec le consentement mutuel libre et éclairé à une intervention médicale. Une femme célibataire a également le droit d'utiliser des technologies de procréation assistée si elle a donné son consentement libre et éclairé à une intervention médicale», est-il précisé.
Ainsi, vu que la loi russe précise que le recours à cette procédure n’est possible que pour les unions hétérosexuelles ou pour une femme célibataire, et que la législation russe reste stricte au sujet des droits de la communauté LGBT, les couples de femmes ne sont pas concernés.
S’il existe un tel soutien de la part de l’État pour les procédures de la PMA, y compris pour les femmes célibataires, c’est probablement parce que la situation démographique dans le pays reste difficile et, d’après Vladimir Poutine, «urgente». S’adressant en avril dernier devant l'Assemblée fédérale, le Président russe a déclaré qu’assurer «une croissance durable de la population» de ce pays de 146 millions d’habitants représente «la stratégie du gouvernement».
La législation belge est à la pointe
Les Belges sont, quant à eux, considérés comme les plus libérales dans le domaine. Comme l’explique un article académique paru en 2020 dans le livre Les mutations contemporaines du droit de la famille, la législation belge en la matière est relativement récente et «peu contraignante». Ainsi, en Belgique, la PMA est autorisée aux couples hétérosexuels et aux femmes célibataires aussi bien qu’aux couples de femmes et ceux d’hommes. Ceci est possible, est-il précisé, car la GPA «ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique actuellement» et elle est «réalisée dans plusieurs centres de procréation».
Qui plus est, compte tenu de la souplesse de la législation belge, de nombreux couples étrangers, et «notamment français», y viennent pour solliciter l’AMP.
À chaque pays son régime de PMA
Tandis qu’à l’échelle européenne il existe un consensus sur l’autorisation de la PMA aux couples hétérosexuels, bien que la procédure soit limitée par l’âge des futurs parents dans certains pays, l’attitude de son ouverture «à toutes» reste variée.
Ainsi, en Grèce, la PMA est ouverte aux femmes célibataires mais pas aux couples lesbiens, lorsqu’en Autriche la situation est diamétralement opposée: seuls les couples de femmes y ont le droit.
Les USA, une terre de disparité pour la GPA
La situation est d’ailleurs particulière aux États-Unis où, selon de nombreux experts, la PMA représentant une vraie «industrie» manque de législation au niveau fédéral. Cela concerne surtout la question de la GPA dont l’autorisation varie d’un État américain à l’autre. Ainsi, historiquement hostile à la GPA, l’État de New York n’a autorisé la procédure que fin février «afin de porter assistance aux couples LGBTQ+ et ceux qui ont des problèmes de fécondité». Au contraire, selon le département de la santé et des services humains du Michigan, la loi de cet État «interdit les relations en matière de GPA».