Le chef de l'État «a décidé de lancer les États généraux de la justice», a annoncé l'Élysée dans un bref communiqué soulignant le «profond attachement» du Président à «la séparation des pouvoirs».
Il souhaite par ailleurs, précise l'Élysée, que «le Garde des Sceaux rende compte chaque année au Parlement de la politique pénale du gouvernement».
L'annonce a été faite vendredi soir à Chantal Arens, la première présidente de la Cour de Cassation, et à François Molins, le procureur général de cette même Cour, reçus à leur demande.
M. Molins, l'un des plus hauts magistrats français, s'était insurgé fin avril dans une interview au Monde contre le procès en «laxisme» fait selon lui à la justice face à la polémique suscitée par la décision de déclarer pénalement irresponsable le meurtrier de la sexagénaire juive Sarah Halimi.
Dans cette affaire, Emmanuel Macron avait souhaité un changement de la loi pour que l'abolition du discernement causé par une prise de stupéfiants n'exonère pas de la responsabilité pénale.
Manifestation des policiers
Le 19 mai, des dizaines de milliers de policiers avaient par ailleurs manifesté devant l'Assemblée nationale, en présence notamment de Gérald Darmanin et de nombreux élus LR et RN, mais aussi des élus de gauche comme Anne Hidalgo ou l'eurodéputé EELV Yannick Jadot.
La critique des lenteurs et d'un laxisme supposé des juges était parmi les principaux mots d'ordre des syndicats policiers à cette occasion. Elle a été reprise à leur compte par le Rassemblement national et de nombreuses voix parmi les Républicains.
Ils «n'étaient pas une demande»
Le 25 mai, devant l'Assemblée nationale, le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti avait appelé à ne pas «opposer la justice et la police», alors que la préoccupation sécuritaire est, selon les sondages, parmi les principales inquiétudes des Français.
Devant les deux magistrats, Emmanuel Macron a «durant cet échange apaisé et constructif, rappelé son profond attachement au principe de la séparation des pouvoirs et au principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire dont il est le garant», selon l'Élysée.
Ces États généraux «n'étaient pas une demande» des principaux syndicats de magistrats, qui par contre «demandent au Président de la République depuis plusieurs mois de se positionner pour que la séparation des pouvoirs soit respectée», a réagi auprès de l'AFP Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche).
«Pourquoi pas, mais il faut voir les modalités et qu'il y ait une réelle volonté d'écouter», a-t-elle également commenté, estimant que «cela fait quatre ans que les professionnels de la justice ne sont pas du tout entendus». Avocats, magistrats et greffiers avaient notamment vivement combattu, y compris dans la rue, la réforme de la justice promulguée en mars 2019.
«Ce dont la justice a besoin», insiste Mme Dubreuil, «c'est d'arrêter les réformes incessantes, et de moyens».
L’approbation des avocats
Le Conseil national des barreaux (CNB), qui regroupe les 70.000 avocats, réagit «favorablement» au lancement de ces États généraux qui «devenaient nécessaires dans le contexte d'accusations de laxisme de la justice et dans un contexte d'accumulation de réformes», selon son président Jérôme Gavaudan.
«Ce que nous ne voulons pas, et on sera très vigilants sur ce point, c'est que ça puisse devenir un lieu de pugilat politique ou électoraliste» à l'approche de l'élection présidentielle de 2022, a-t-il poursuivi.
Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO-Pénitentiaire, voit dans l'annonce présidentielle «plutôt une bonne chose. Mais on attend de voir ce qui va être mis dedans. (...) Il ne faut pas que ce soit que les magistrats, il y a un vrai sujet sur la prison».
FO-Pénitentiaire avait écrit le 12 mai à Emmanuel Macron, lui demandant «d'acter l'ouverture d'états généraux de l'administration pénitentiaire sous la responsabilité du Garde des Sceaux».