La Tunisie est en phase de tourner la page du terrorisme islamiste. C’est une des conclusions du rapport de l’International Crisis Group, organisation non-gouvernementale dont le siège est à Bruxelles, rendu public vendredi 4 juin 2021.
NOUVEAU BRIEFING | Jihadisme en Tunisie: éviter la recrudescence des violenceshttps://t.co/draEFsvoNF
— Crisis Group (@CrisisGroup) 4 juin 2021
«La diminution des violences djihadistes sur le territoire tunisien entre 2016 et 2021 est manifeste. Elle est principalement liée à la déroute d’Al-Qaïda* et de l’État islamique* à l’échelle régionale. Même si plusieurs milliers de Tunisiens sont partis combattre au Moyen-Orient et en Libye entre 2011 et 2016 et que des Tunisiens ont commis quatre attentats en France et en Allemagne en 2016 et 2021, le pays n’est pas menacé par un mouvement djihadiste armé de masse», est-il indiqué dans ce rapport élaboré par le bureau tunisien de l’ICG.
Le retour des vaincus
Contacté par Sputnik, Michaël Béchir Ayari, analyste à l’International Crisis Group Tunis, a indiqué que cette étude avait démontré qu’en matière d’adhésion l’idéologie djihadiste était en déclin en Tunisie au même titre qu’en Algérie et au Maroc. «Les pays du Maghreb connaissent la même tendance, contrairement à la région du Sahel où nous assistons à une recrudescence de ce phénomène», souligne-t-il. Selon lui, le djihadisme «n’attire plus les jeunes».
«Les Tunisiens qui se sont engagés dans les groupes djihadistes en Irak et en Syrie dès 2011 et qui ont survécu sont revenus, car ils ont été vaincus. Ils sont déçus. Nous ne sommes pas dans la situation des Algériens qui ont fait l’Afghanistan durant les années 1980 et qui sont revenus en vainqueurs dans leur pays», précise Michaël Béchir Ayari.
«Certains mécanismes de loi antiterroriste [adoptée en 2015, ndlr] sont encore appliqués, notamment la disposition qui autorise jusqu’à 14 jours de garde à vue et permet, dans certains cas, au procureur de priver le prévenu de l’assistance de son avocat. La question de fichés S est également problématique, car certaines personnes ont été identifiées à tort comme djihadistes. Il y a eu d’énormes abus. Aujourd’hui, l’administration pénitentiaire fait face à une surpopulation carcérale à cause du recours abusif à la détention provisoire avec les risques de radicalisation que cette situation peut provoquer. Des efforts ont été faits par les institutions tunisiennes, mais c’est insuffisant», affirme l’analyste.
Effets pervers
Le rapport fait état de probables «effets pervers» liés aux «mesures de lutte contre le terrorisme». «La majorité des près de 2.200 détenus en lien avec des affaires de terrorisme quitteront les prisons tunisiennes au cours des trois années à venir», alerte l’ICG.
«En l’absence de programmes d’insertion professionnelle, les djihadistes ou les personnes qui ont flirté avec cette mouvance risquent de tomber dans la criminalité une fois sortis de prison. Nous avons voulu démontrer que c’est le moment propice pour lancer des réformes, pour faire plus de prévention et engager des programmes de réinsertion. Mais il est important que ces actions ne ciblent pas uniquement les personnes condamnées pour djihadisme sinon les autres prisonniers vont dire qu’ils sont mieux traités qu’eux donc nous allons faire pareil pour être reconnus», ajoute Michaël Béchir Ayari.
*Organisation terroriste interdite en Russie