En 2019, le Centre du don des corps (CDC) de l’université Paris-Descartes a fait grand bruit avec la découverte de locaux vétustes contenant des dépouilles putréfiées. Ces conditions «indignes» de conservation de «milliers de personnes ayant fait don de leur corps à la science» avaient été dénoncées par L’Express.
Après des soupçons de marchandisation des corps, le Centre avait fermé ses portes. Mais de nouvelles révélations se font jour.
Le 15 avril, l’université de Paris a été mise en examen pour «atteinte à l’intégrité d’un cadavre».
Le 1er juin, France 2 a dévoilé les résultats d’une enquête en révélant que plusieurs cadavres entreposés au CDC avaient servi à des expérimentations militaires et automobiles.
Le média indique qu’une mission d’inspection a été diligentée à la demande du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche au cinquième étage de la faculté de médecine, derrière des portes fermées depuis deux ans.
Le rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas), consulté par France 2, parle de «la mise à disposition de corps pour des crash-tests dans le secteur automobile».
Des revenus en lien avec le secteur industriel
Le média a découvert qu’en 2019, «37% des revenus du Centre des corps provenaient de sociétés dont l’objet principal était industriel», ce qui est légal, sauf que les donateurs n’en avaient pas été informés.
Un fait confirmé auprès de la chaine par le généticien et ancien président de l’Université, Axel Kahn:
«Les personnes qui donnent leur corps à la science n’ont pas conscience de le faire dans le cadre d’une contractualisation privée, c’est-à-dire en intégrant des circuits financiers et, par conséquent, il y a tromperie, incontestablement».
D’après France 2, l’université Paris-Descartes et le Centre européen d’études de sécurité et d’analyse des risques (Ceesar), chargé des études en biomécanique et mandaté par les constructeurs, ont conclu un accord. Celui-ci fixe des tarifs pour l’utilisation de cadavres: 900 euros pour un entier, 400 euros pour une «pièce anatomique», précise la source.
Olivier Gagey, professeur et président du Conseil Scientifique du Ceesar, a expliqué l’importance de telles expérimentations:
«On se pose aujourd’hui le problème des sujets en forte surcharge pondérale dans les chocs. On est obligé d’utiliser un cadavre pour acquérir des données qui seront transposées dans le modèle. C’est essentiel, on veut s’assurer que les dispositifs ne sont pas agressifs et dangereux pour les humains».
L’armée parmi les utilisateurs?
Cependant, France 2 souligne que les constructeurs automobiles ne sont pas les seuls à utiliser des dépouilles: elles le sont aussi au cours d’expérimentations militaires, ce qu’a confirmé M.Gagey.
«L’armée doit se préparer à recevoir des chocs dans tous les sens. Qu’est-ce qui se passe dans un véhicule qui saute sur une mine et comment est-ce qu’on peut mieux protéger les occupants du véhicule?», a-t-il expliqué.
Le média relate que Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, attend la remise d’un rapport, prévue le 7 juin, qui devrait permettre un meilleur encadrement du don du corps à la science.