Au micro de Sputnik, Me Frédéric Doyez, spécialiste en droit pénal lyonnais, est revenu sur l’affaire du meurtre d’un homme et de l’enlèvement et du viol d'une jeune femme survenue la semaine dernière dans la Marne. C’est un quadragénaire, qui avait déjà purgé une peine de 22 ans pour 27 condamnations et était sorti de sa détention en 2020, qui a été mis en examen en lien avec cette récente affaire.
En affirmant que le mis en cause a reconnu l’intégralité des faits sauf l’homicide volontaire, que celui-ci a qualifié d’«accident», le procureur de la République de Reims Matthieu Bourrette a déclaré le 30 mai devant la presse que l’individu n’était «sous le coup d’aucun sursis avec mise à l’épreuve, d’aucun sursis probatoire, ne faisait pas l’objet d’un suivi judiciaire» et qu’«aucune peine n’était à mettre à exécution».
«C’est la réalité du droit. On ne peut pas prévoir une récidive. Je crois que cet homme-là est passé en dessous des prévisions des psychiatres», a déploré auprès de Sputnik Me Doyez.
Par le passé, l’individu avait été notamment condamné pour des vols en récidive, mais aussi pour des agressions sexuelles ou encore enlèvement et séquestration suivi d’une libération volontaire, selon les informations d’Actu17 qui précise que désormais, il risque la réclusion criminelle à perpétuité.
L’avocat lyonnais a ainsi pointé deux problèmes: la dangerosité criminologique et la dangerosité psychiatrique. D’après les éléments de l’enquête, «cet homme a été pris d’une pulsion pour rencontrer une femme avec laquelle il voulait avoir une relation sexuelle».
En effet, avant de passer à l’acte de viol, l’agresseur «s’était beaucoup confié à [la jeune fille] tout au long de la nuit», la victime tentant de le faire parler beaucoup pour éviter le viol, selon le procureur de la République.
Pourquoi aucun suivi judiciaire n’a été appliqué?
Alors qu’en ce moment un débat se poursuit «autour de la possibilité de créer des périodes de surveillance pour des détenus radicalisés», ce type de mesures ne s’applique pas sur «des personnes multirécidivistes qui ont commis des crimes toujours dans le même registre», a expliqué Me Doyez.
Pour les détenus radicalisés, il pourrait s’agir selon l’avocat «de systèmes de surveillance, notamment une forme de surveillance électronique, une sorte d’assignation à résidence, pendant un temps qui peut être assez long, de plusieurs années».
«Est-ce qu’il faudrait créer la même chose pour ceux que l’on définit comme des délinquants sexuels? On ne peut pas imaginer une loi qui crée le risque zéro. On a des lois qui sont de plus en plus attentatoires aux libertés individuelles. […] Mais le cas de Reims, est-ce qu’il est typique de la récidive? Je ne le crois pas. Je pense que cet homme doit présenter une dangerosité psychologique qui s’ajoute à sa dangerosité criminologique.»
Me Doyez s’est demandé si «la loi serait bonne dans ce domaine, parce que c’est le travail d’un médecin».
«Il peut y avoir des mesures, [celles] de surveillance administrative [ou] d’hospitalisation d’office pour des gens qui présentent des caractéristiques des délinquants sexuels sur le plan pathologique.»
Quant à la durée des suivis, Me Doyez a toutefois indiqué que «la loi prévoit des suivis socio-judiciaires limités dans le temps» chacun dépendant du caractère des infractions.
Tout en déplorant «un vrai problème de société», l’avocat a toutefois rappelé qu’il y a «des gens qui commettent plusieurs infractions et qui, sous le coup de l’âge, sous le coup d’un traitement adapté, arrêtent de commettre des infractions» liées à des problèmes de santé.
«On n’est pas véritablement dans le registre de la raison, mais dans le registre de la pathologie», a-t-il conclu.