«Les choses sont à présent clairement entendues. De la même manière qu’on sait que l’ambassade des États-Unis en France, qui s’élève aux abords de l’Élysée, détient des capacités d’écoute installées sur le toit du bâtiment.»
Des actes d’espionnage ont été opérés «en 2012 et en 2014» par les États-Unis à l’encontre de leurs alliés européens. Manœuvre rendue possible via un accès aux systèmes de surveillance électronique du royaume scandinave. Ces systèmes étant eux-mêmes en mesure d’intercepter les données transitant par les câbles sous-marins reliant le Danemark au reste de l’Europe.
Angela Merkel, chouchou de la NSA
«C’est le principe même de la puissance», relativise auprès de Sputnik l’avocat spécialisé en intelligence économique «Comme le disait déjà en son temps Hubert Védrine dans la relation transatlantique, on dit toujours "amis, alliés, mais pas alignés". Somme toute, les lignes restent écoutées…»
Ce qui étonne cet expert, en revanche, c’est qu’Angela Merkel figurerait en tête de liste des responsables dont les échanges étaient épluchés par les services de l’Oncle Sam. Et ce, alors que l’Allemagne est «le principal atout des États-Unis au sein de l’Europe»,.
Déjà lors de l’affaire Snowden en 2013 (l’ex-analyste de la NSA, aujourd’hui réfugié en Russie, avait révélé l’existence et l’ampleur du système d’écoute planétaire des États-Unis), le téléphone d’Angela Merkel faisait figure de cible numéro un. «S’espionner entre amis, ça ne se fait pas», s’était mollement offusquée la chancelière dans la foulée de ces révélations.
Confirmée par le site WikiLeaks, la mise sur écoute de la dirigeante teutonne aurait duré plus de dix ans selon Der Spiegel. Toutefois, Berlin avait classé l’affaire sans suite en juin 2015.
Huit ans plus tard, les chancelleries occidentales sont tout aussi discrètes sur l’espionnage supposé mené par leur allié outre-Atlantique.
Les Européens impuissants face à Washington…
Le premier est de «vérifier» ces allégations de la télévision publique. Notamment de «vérifier si nos partenaires de l’Union européenne, Danois, ont commis des erreurs ou des fautes dans leur coopération avec les services américains».
Le second point consiste à savoir si, «du côté américain», il y aurait eu, «indirectement, l’écoute, l’espionnage» de responsables politiques.
«L’Union européenne devrait clairement se poser la question: savoir si elle doit être une colonie –en tout cas le 51e État des États-Unis– ou une troisième voie? De Gaulle l’avait posé en son temps, cinquante ans plus tard nous n’y avons toujours pas répondu semble-t-il», s’indigne notre intervenant.
«Ce n'est pas acceptable entre alliés, encore moins entre alliés et partenaires européens», a réagi lundi le locataire de l’Élysée à l’issue d’un Conseil des ministres franco-allemand. Des propos auxquels s’est «associée» Angela Merkel. Des deux côtés du Rhin, si les faits étaient confirmés, on attendrait des explications de Washington et de Copenhague.
Paradoxalement, le fait qu’un allié soit à l’origine de cet espionnage, «qui n’a rien à voir avec la sécurité nationale», peut sembler atténuer la déconvenue européenne. «On pourrait imaginer que cela serait beaucoup plus gênant de se sentir espionné par des ennemis», précise-t-il. L’un des argument phares présentés afin d’expliquer l’absence de réaction, de condamnation, de la part des Occidentaux est la dépendance «mutuelle» qu’entretiendraient les services de renseignement des deux côtés de l’Atlantique.
… mais surtout divisés
En 2009, lorsque la France a été invitée à rejoindre le «five eyes», ce club de pays anglo-saxons dont les collaborations ne se limitent pas au renseignement, Nicolas Sarkozy a réclamé la signature d’un accord de non-espionnage. Un tel accord aurait permis de sortir le pays du piège tendu par les agences de renseignement anglo-saxonnes. Patatras! la demande du compagnon de Carla Bruni a été balayée d’un revers de main par la CIA et Barack Obama.
L’un des arguments mis en avant du côté des officiels américain contre un tel accord est que l’Hexagone mènerait un espionnage «trop agressif» à l’encontre des intérêts états-uniens. Un comble! «C’est relativement unilatéral», analyse Olivier de Maison Rouge à propos du rapport de forces franco-américain. «Il y a une forme de soumission.»
Mais la position de Clément Beaune a le mérite de mettre en lumière un autre tabou de l’UE, au-delà de la seule gêne des responsables européens d’être espionnés par un allié hégémonique: les dissensions entre «partenaires».
«On a beau parler d’Union européenne, cela reste le concert des nations. Celles-ci n’ont pas toujours les mêmes objectifs», rappelle Olivier de Maison Rouge, avant de conclure: «Il y a donc des défiances, liées parfois à des caractères historiques qu’il ne faut pas nier. Il y a toujours cette forme de suspicion et cette nécessité de connaître les intentions de ses voisins. C’est vieux comme le monde!»