Le 27 janvier dernier, six ONG, dont Amnesty International et Human Rights Watch, signaient une tribune dans Le Monde pour réclamer des mesures pour mettre fin aux «contrôles d’identité au faciès». Quatre mois plus tard, sans réponse de l’État, elles réitèrent leurs demandes sur Franceinfo, cette fois accompagnées de dizaines d’associations locales et nationales, de collectifs et de syndicats.
Les signataires rappellent d’abord qu’en 2016, l’État avait déjà été jugé responsable de discriminations raciales dans ses contrôles d’identité par la cour de cassation. Cette dernière avait déclaré que de tels procédés étaient une «faute lourde» qui engageait la responsabilité de l’État.
«Pourtant, malgré toutes ces condamnations, dans la pratique rien n’a changé», déplorent-ils.
«Ces contrôles ont des effets dévastateurs sur ceux qui les subissent, leurs familles et la société toute entière» déplorent-ils, expliquant que cela détruit la relation de confiance entre une partie de la population et la police. «C’est donc ce système discriminatoire qu’il est urgent de changer pour en finir enfin avec ce fléau», plaident-ils.
Revendications
Comme lors du 27 janvier, ils réclament le changement du cadre légal en termes de contrôles. Ils souhaitent par exemple un «motif objectif et individualisé étranger à l’origine ou l’apparence des personnes» comme condition nécessaire au contrôle, ou encore la suppression des contrôles dits «administratifs» effectués en prévention et qui comporte un «risque majeur de contrôle arbitraire et discriminatoire».
Une autre demande est la production d’une trace écrite du contrôle, avec les motifs de celui-ci, laquelle est ensuite remise à la personne contrôlée. Tous ces documents anonymisés peuvent ensuite constituer des statistiques de ces contrôles. Enfin, les organisations demandent la création d’un mécanisme de plainte indépendant auquel peuvent s’adresser de potentielles victimes de contrôle au faciès.
L’Europe concernée
La France n’est pourtant pas le pire pays européen en la matière, comme le montre le rapport publié le 25 mai par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA). Dans l’Hexagone, 17% de la population générale a indiqué avoir subi un contrôle de police ces 12 derniers mois, et le chiffre monte à 19% pour les minorités dites «nord-africaines», mais descend à 15% pour les «sub-sahariens». En Autriche, 49% de ces derniers affirment avoir été contrôlés, contre 25% de la population générale.
Par contre, en France, 77% de la population générale a subi un contrôle en se trouvant dans un véhicule, mais 43% des personnes originaires d’Afrique sub-saharienne étaient à pied lorsqu’elles ont été stoppées. Au niveau de la moyenne européenne, 34% des minorités ethniques ou immigrées sont arrêtés à pied, contre seulement 14% de la population générale. Il leur est également plus souvent demandé de prouver leur identité.
Ce «profilage discriminatoire», dont la FRA rappelle qu’il s’agit d’une pratique illégale, est toujours commun sur le continent. Avec des conséquences sur la perception des forces de l’ordre: 60% de ceux qui ont été arrêtés à pied estiment que la police les a traités avec respect, mais le chiffre tombe à 46% pour les minorités ethniques. À ce titre, les mauvais élèves sont la Suède, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal.