Au Cameroun, on ne compte plus les cas de féminicides et autres violences faites aux femmes. Ces drames, la presse en fait souvent état, les réseaux sociaux n’étant pas en reste. Un des derniers en date est celui d'une femme de 35 ans sauvagement assassinée par son mari à Douala, dans la nuit du 20 au 21 mai. À en croire les voisins interrogés par la presse locale, les éclats de voix étaient devenus courants au sein du couple. Au bout d’une énième dispute, le mari, depuis toujours en cavales lui aurait donné plusieurs coups de poignard.
Au même moment, une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux montrait un homme en train de violenter son épouse, une enseignante, dans sa classe de classe. Dans ladite vidéo partagée des milliers de fois, on peut voir un homme tenir une femme par les cheveux en scandant à tue-tête «j’ai des droits sur elle».
Colère et indignation sur la Toile
Plus tôt, à la mi-mai, c’est un officier de l’armée qui a été accusé d’avoir tiré à bout portant sur son épouse à la suite d’une violente dispute. Des drames dignes d’un film d'horreur qui n’ont pas manqué de provoquer une onde de choc sur la Toile.
D’après une étude de la Commission des droits de l’Homme et des libertés du Cameroun (CNDL) rendue public en 2020, le nombre de crimes contre les femmes au sein des ménages entre 2019 et 2020 a franchi la barre des 130. Les cas de féminicide recensés en ce mois de mai dans le pays ont placé le sujet au centre de nombreuses réflexions.
Sur les réseaux sociaux, ces derniers cas, des actes «barbares», ont été abondamment commentés. Entre colère et indignation, des internautes camerounais ont appelé à plus de respect et de considération pour la femme.
Briser le tabou des violences faites aux femmes
Le sujet est surtout au cœur des combats mené par des militantes des droits de la femme comme Minou Chrys-Tayl, laquelle régulièrement attire l’attention de l’opinion sur les réseaux sociaux concernant les maltraitances dont sont victimes les femmes au Cameroun. Pour elle, ces crimes sont le résultat d’un sexisme généralisé dans les attitudes locales.
«Tous les jours au Cameroun des femmes sont battues, elles sont tuées ou meurent de certaines maladies à cause des violences conjugales. Le problème vient du sexisme et de la violence sexiste. Certains considèrent encore les femmes comme des objets. Il faut que ça cesse», implore-t-elle au micro de Sputnik.
Le cri de ces militantes se heurte encore à de nombreuses barrières… Et pour cause: les violences conjugales sont, hélas, une banalité que beaucoup considèrent comme relevant de la sphère privée. De plus, les femmes dans les sociétés patriarcales comme le Cameroun «n’ont pas tellement voix au chapitre» analyse pour sa part le Pr .Adolphe Messanga, enseignant de psychosociologie à l’Université de Dschang.
«Les facteurs sont culturels. Il y a un niveau de violence qui est culturel dans les sociétés patriarcales. Il y a même des sociétés traditionnelles locales qui ont encouragé la punition de la femme par le mari comme méthode pour l'amener à mieux se conduire», analyse-t-il.
Cependant les militantes des droits des femmes comme Minou Chrys-tal ne comptent pas baisser la garde. Cette dernière interpelle les autorités sur l’importance d’un plan national de lutte contre les violences conjugales.
«Il faut des campagnes de sensibilisation parce que l'on ne peut pas combattre ce que l'on ne sait pas. Il faut lutter contre les traditions parce qu'il y a beaucoup de traditions sexistes qui ne veulent rien dire. Le fait qu'un homme puisse doter une femme [allouer une dot avant de l'épouser, ndlr] et dire après "j'ai des droits sur elle" n'est pas vrai du tout. La femme n'est pas un bien, c'est un être humain à part entière», conclut-elle.
Selon un rapport, paru en 2019, de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sur les homicides liés au genre, l’Afrique est la deuxième zone au monde où on compte le plus de féminicides, avec 19.000 cas recensés en 2017, juste derrière l’Asie. C’est aussi là où les femmes «risquent le plus d'être tuées par leur compagnon ou un membre de leur famille» (69%), selon l'Onu.