Laxisme judiciaire: «Si cet homme avait purgé sa peine, cette femme serait toujours vivante»

© AFP 2024 JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGENMarche blanche en mémoire de Stéphanie
Marche blanche en mémoire de Stéphanie - Sputnik Afrique, 1920, 27.05.2021
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Plusieurs crimes d’une barbarie inouïe ont bouleversé les Français. Le 44e féminicide de l’année survenu à Hayange en Moselle met à nouveau en exergue les défaillances dans le suivi des conjoints violents, alors que certains sont bien connus des services de police. Pour Valérie Boyer, sénatrice LR, il est temps de les mettre hors d’état de nuire.

Des violences insoutenables. Ces dernières semaines, plusieurs homicides ont choqué la France entière par leur brutalité. Début mai, Chahinez, une jeune mère de trois enfants de 31 ans, a été brûlée vive en pleine rue par son mari récidiviste, après s’être fait tirer dessus, à Mérignac, près de Bordeaux. Le lundi 24 mai, à Arpajon dans l’Essonne, Mezgebe, 30 ans, est décédée sous les coups de marteau de son concubin. Le même jour à Hayange en Moselle, c’est Stéphanie, 22 ans, qui a subi la cruauté de son compagnon. La jeune femme a été égorgée sous les yeux de sa fille âgée de trois ans et demi.

Un laxisme coupable?

Dans la ville, l’émotion est à son comble. À l’appel de Fabien Engelmann, maire (RN) de Hayange, plusieurs centaines de participants se sont rassemblés le 26 mai en fin de journée devant l’hôtel de ville. Une banderole «Hommage à Stéphanie. Non au laxisme» était suspendue à son fronton.

​«La justice avait connaissance des violences conjugales. Quand ils s’engueulaient, il y avait des interventions de police», s’est indignée auprès de l’AFP Johanna, une amie de Stéphanie. «Je ne comprends pas comment on a pu accorder à ce monsieur une liberté sous surveillance chez Stéphanie. [...] Le suivi n’a pas été fait correctement», a-t-elle poursuivi.

«Si cet homme avait purgé sa peine, cette femme serait toujours vivante. Il est nécessaire de rétablir les peines planchers pour les violences conjugales», estime au micro de Sputnik Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône.

Et pour cause, à l’instar du tueur de Chahinez, le conjoint de Stéphanie était connu des services de police. Dans son cas, pour des faits de violences remontant à 2015. Il était d’ailleurs incarcéré depuis novembre 2020 pour des délits routiers et venait de bénéficier d’un aménagement de peine: il devait être présent au domicile conjugal sous surveillance électronique. Il avait quitté la prison le 13 mai, dix jours avant le drame.

Une femme apeurée  - Sputnik Afrique, 1920, 26.05.2021
Femme tuée en pleine rue en Moselle: elle avait porté plainte en 2020 contre son conjoint
Or une main courante avait été déposée par la victime en janvier 2020, ainsi qu’une plainte en novembre dernier. «Les deux faisaient état de violences verbales ou de harcèlement ou de menaces de mort», a indiqué Christian Mercuri, procureur de la République de Metz.

Une des problématiques que pointe Valérie Boyer, qui a fait une proposition de loi relative «aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants» en 2019. Selon le rapport des homicides conjugaux de l’Inspection générale de la justice, seulement 18% de celles-ci aboutissent à une enquête. Or, depuis 2014, en cas de violence conjugale, elles doivent être automatiquement remontées au parquet même si la victime ne veut pas porter plainte, a rappelé sur Franceinfo Michelle Dayan, avocate et présidente de l’association L4W, Lawyers For Women.

Mettre hors d’état de nuire les conjoints violents

Si Valérie Boyer concède néanmoins que des progrès ont été faits en matière de lutte contre les violences conjugales, grâce notamment à la loi Geoffroy du 9 juillet 2010, avec la mise en place des ordonnances de protection, des téléphones grand danger ou encore le bracelet anti-rapprochement, l’élue veut «aller encore plus loin». À commencer par utiliser massivement ces dispositifs. «Sur les 1.000 budgets de bracelet anti-rapprochement que nous avons aujourd’hui pour suivre les conjoints violents, il y a eu 76 prescriptions et 45 hommes en sont équipés», détaille Valérie Boyer.

Dans le drame d’Hayange, le conjoint était un réfugié politique originaire du Kosovo qui avait déjà un «très joli parcours de délinquant» avec neuf inscriptions dans son casier, y compris pour violences. À Arpajon, le suspect bénéficie également du statut de réfugié politique. «Comment se fait-il que l’on ne suspende pas le statut de réfugié?», glisse-t-elle.

​Du côté du gouvernement, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté, ont annoncé, mercredi 26 mai, la mise en place d’une mission d’inspection de fonctionnement afin de faire «toute la lumière à la suite du terrible féminicide d’Hayange». Une autre mission d’inspection concernant le drame de Mérignac avait dénoncé dans son rapport «une suite de défaillances» des différents intervenants (police, justice, administration pénitentiaire, etc.)».

Depuis le début de l’année, le collectif «Féminicides par compagnons ou ex» a recensé au moins 44 féminicides. En 2020, 90 crimes de cette catégorie ont été enregistrés par le ministère de l’Intérieur, contre 146 l’année précédente.

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