En conférence de presse, le Président suisse Guy Parmelin a annoncé que la Confédération «mettait un terme» aux négociations sur cet accord. Il visait à homogénéiser le cadre juridique concernant la participation de la Suisse au marché unique de l'UE et à instaurer un mécanisme de règlement des différends.
Cette annonce fait suite au sommet à Bruxelles le 23 avril entre Guy Parmelin et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui n'avait pas permis de rapprochement sur les points litigieux (salaires, libre-circulation des personnes et aides publiques).
Berne considère néanmoins qu'il est dans l'«intérêt commun de la Suisse et de l'UE» de préserver l'avenir de leur coopération et souhaite «engager un dialogue politique avec l'UE portant sur la suite de la coopération».
«On est au départ d'un nouveau chapitre de nos relations Suisse/Union européenne», a avancé M. Parmelin.
L'accord était réclamé depuis plus de 10 ans par l'UE, mais les négociations n'ont commencé qu'en 2014. Plusieurs points continuaient de poser problème à Berne, mais Bruxelles refusait tout compromis supplémentaire depuis fin 2018.
Regrets de Bruxelles
«Nous regrettons cette décision, étant donné les progrès réalisés au cours des dernières années pour faire de l'accord-cadre institutionnel une réalité», a réagi la Commission européenne.
«Sans cet accord, (la) modernisation de nos relations ne sera pas possible et nos accords bilatéraux vieilliront inévitablement», a-t-elle ajouté.
En Suisse, le parti socialiste a déploré l'échec des négociations, tout comme les partis écologistes de droite et de gauche, les Verts parlant d'un véritable «Waterloo». À droite, le Parti Libéral-Radical a regretté le choix de Berne, mais souligné que l'UE «n'a pas réussi à tenir compte des intérêts de la Suisse», tandis que la droite populiste UDC (premier parti du pays) a salué la «victoire pour l'autodétermination».
Le champ d'application de cet accord-cadre aurait été limité aux cinq accords d'accès au marché existants (libre circulation des personnes, transports terrestres, transport aérien, obstacles techniques au commerce et agriculture), ainsi qu'aux futurs accords d'accès au marché (par exemple dans le domaine de l'électricité).
Enjeux pour le pays
L'UE avait fait de sa signature la condition préalable à la conclusion de tout nouvel accord bilatéral d'accès à son marché.
L'enjeu est de taille pour la Suisse: l'Union européenne est le principal partenaire économique du pays alpin, qui gagne un franc sur trois par ses échanges commerciaux avec l'UE.
Mais les Suisses craignaient que ce texte ne nuise à la protection de leurs salaires, plus élevés que dans l'UE en raison du coût de la vie.
Le Conseil fédéral suisse avait également demandé des clarifications sur les dispositions européennes relatives aux aides publiques, et la directive sur la libre circulation des citoyens qui aurait pu in fine élargir l'accès des Européens aux prestations sociales suisses.
Une reprise intégrale du droit de l'UE aurait entrainé «un changement de paradigme sur la politique de migration, (...) de plus cela aurait des conséquences sur l'aide sociale», a déclaré mercredi le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis.
Les syndicats se sont félicités, tandis que les grandes organisations patronales ont regretté que les négociations n'aient pas abouti. Swissmem, la fédération de secteur des machines, équipements électriques et métaux a insisté sur le fait que l'accès «sans entrave» au marché européen est «déterminant» pour les entreprises de ce secteur qui exportent quelque 55% de leur production vers l'UE.
Chiffres de l’année dernière
En 2020, la Suisse a écoulé dans l'UE pour 108 milliards de francs suisses (99 milliards d'euros) de biens et marchandises, selon les relevés de l'administration fédérale des douanes, soit environ la moitié de ses exportations.
La Suisse, qui s'appuie sur un puissant secteur pharmaceutique mais aussi sur une importante industrie, notamment dans la fabrication de machines-outils et équipements industriels, entretient des échanges étroits avec l'Allemagne, son plus gros débouché, mais aussi avec l'Italie et la France.
Elle a importé l'an dernier pour 120 milliards de francs de marchandises, soit les deux tiers de ses importations.