Onze ans après la dernière visite officielle d’un Président français au Rwanda, Emmanuel Macron s’y rend ce jeudi pour relancer des relations bilatérales longuement affectées après le génocide de 1994. Il cherche à ouvrir «une nouvelle page» et jouer la carte de la transparence dans le débat sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis, qui a été à l’origine de tensions très fortes entre les deux pays.
Un timing choisi
«Emmanuel Macron n’est pas allé au Rwanda au moment le plus symbolique, le 7 avril, date du début du génocide. La commémoration aurait sans doute été plus forte encore. Mais ça aurait aussi été juste après le dépôt du rapport Duclert et avant le rapport commandé par le gouvernement rwandais, qui est sorti mi-avril et qui arrive à des constats relativement similaires.»
Un seul Président français s’est rendu au Rwanda après 1994, il s’agit de Nicolas Sarkozy en 2010, qui est d’ailleurs resté proche de Paul Kagame pendant toutes ces années. À l’époque, l’ancien Président avait déjà reconnu de «graves erreurs» et «une forme d’aveuglement» des autorités françaises dans le génocide des Tutsis. Mais l’équipe d’Emmanuel Macron est allée plus loin avec le rapport Duclert.
Filip Reyntjens souligne que le moment clé de la visite sera le discours solennel au Mémorial du génocide à Gisozi ce jeudi matin.
«Il faudra voir ce que Macron va dire, c’est beaucoup plus important que cette visite en elle-même. Les relations reviendront peut-être à la normale, je dis bien "peut-être"», espère le politologue.
Intérêts de la France et du Rwanda
Malgré le fait que Paul Kagame soit réputé pour être un des premiers sur le continent africain à promouvoir le numérique et l’environnement, le Rwanda reste un petit pays avec un petit PIB, dont l’économie dépend en grande partie de l’agriculture, du tourisme et des mines.
Les intérêts de la France au Rwanda vont donc au-delà de l’économie, pour Filip Reyntjens.
«Pour la France comme pour tous les autres partenaires du Rwanda, il n’y a pas d’intérêt économique bien évidement, c’est un petit pays très pauvre dont le produit intérieur brut est de 10 milliards d’euros, ce qui est tout à fait négligeable. Emmanuel Macron souhaite mettre derrière lui, et derrière la France, cette longue période qui a démarré en 1990, avant que le FPR ne prenne le pouvoir au Rwanda. Il faut régler une relation extrêmement conflictuelle qui date de 30 ans.»
La Russie et la Chine en Afrique
Depuis l’arrivée de la Russie et de la Chine sur le continent noir, les experts évoquent la lutte des influences et la perte des positions, notamment de la France, ce qui expliquerait l’avancée diplomatique d’Emmanuel Macron vers les pays africains anglophones. Mais Filip Reyntjens insiste sur le fait qu’en fin de compte, ce sont tous les pays occidentaux qui sont confrontés à ce phénomène.
«La France mais aussi les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne observent avec inquiétude l’influence de la Chine. La Russie les préoccupe beaucoup moins car ce n’est pas une puissance économique alors que la Chine l’est. On s’inquiète de l’influence de la Chine mais surtout de la façon de l’instaurer. Les prêts que la Chine propose aux pays africains pourraient se faire au détriment de la souveraineté de ces États.»