Invitée sur France Culture le 20 mai, Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté auprès du ministre de l'Intérieur, a parlé de questions sociétales avec l’historien et politologue Patrick Buisson.
«La première mesure que j’ai portée dans mes précédentes fonctions, c’était la verbalisation du harcèlement de rue qui pourrissait la vie des femmes», a évoqué la ministre. Elle a précisé que «l’insécurité des femmes dans l’espace public» peut être considérée comme un sujet majeur de préoccupation des Français.
«Nous sommes le premier pays du monde à avoir verbalisé le harcèlement de rue. Il y avait des milliers d’amendes qui ont été émises par les forces de l’ordre», a-t-elle lancé.
Fact checking
Sa remarque a été relayée sur Twitter par le compte de La République en marche (LREM) de Paris, car Marlène Schiappa est par ailleurs candidate LREM aux élections régionales en Île-de-France.
🎙@MarleneSchiappa @franceculture
— La République En Marche - Paris (@LaREMParis) May 20, 2021
«C’est un sujet que je porte depuis longtemps et je déplore le fait qu’on ait attendu 2017 pour qu’enfin un gouvernement prenne à bras le corps la question de la sécurité des femmes dans l’espace public. Je le ferai vivre au niveau de la Région.» pic.twitter.com/SC8FoUpPLU
Sur son propre compte Twitter, Marlène Schiappa a également épinglé sa propre citation.
Oui, la France est bien le 1er pays du monde à verbaliser le harcèlement de rue !https://t.co/Qx6Fsc9yx2
— 🇫🇷 MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) May 20, 2021
Pourtant, la ministre embellie la réalité de cette législation. La France est le premier pays à permettre de verbaliser le harcèlement de rue en flagrant délit et sans dépôt de plainte. Mais elle n’est en rien la première à sanctionner ce délit.
En Belgique, la loi contre le harcèlement de rue a été adoptée en 2014, donc bien avant la loi française, bien que seulement trois plaintes ont été déposées en 2015, explique Libération. De plus, selon la presse belge, l'obstacle principal réside dans la preuve du harcèlement de rue.
Le Portugal a adopté en 2015 une loi similaire. En 2016, le comté du Nottinghamshire, au Royaume-Uni, a décidé de punir toutes les «approches physiques non désirées», tout comme le fait de «d’entrer en contact et d’engager verbalement une femme sans y être invité». Mais dans tous ces cas, le dépôt de plainte est nécessaire, ce qui est souvent ressenti comme un obstacle par les victimes.
C’est uniquement à Rotterdam et Amsterdam, au niveau local donc, que des amendes, c’est-à-dire, un mécanisme rapide, ont été proposées en 2018.
La loi dite Schiappa
Connue sous le nom de loi Schiappa, cette loi, visant à améliorer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, a été promulguée en août 2018. Elle crée notamment une nouvelle infraction: «l’outrage sexiste» qui constitue une contravention de catégorie 4, d’un montant de 90 euros si réglée immédiatement, passant de 750 à 1.500 euros en cas de circonstances aggravantes et à 3.000 euros en cas de récidive.
«Les faits seront constatés en flagrance, pas de dépôt de plainte nécessaire de la part de la victime, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres pays», avait expliqué l’exécutif.
Fin septembre 2018, la première condamnation en vertu de la nouvelle loi avait été prononcée: elle concernait un homme, condamné à 300 euros d’amende pour s’en être pris à une femme dans un bus de Draveil, en région parisienne.
Polémique autour des meurtres «maquillés»
Ce n’est pas la première fois que Mme Schiappa arrange la réalité à son avantage.
En 2019, le syndicat des commissaires de la Police nationale (SCPN) n’avait pas vraiment apprécié sa remarque sur la technique d’enregistrement par la police des meurtres de femmes.
«On qualifie mieux les féminicides désormais. Un meurtre de femme qui avant était comptabilisé comme un accident domestique va désormais plus souvent être qualifié comme meurtre par conjoint», avait écrit Schiappa à l’issue d’une visite dans un centre pour les femmes victimes de violences à Tours en avril 2019.
Alors, le SCPN avait qualifié ses propos de «fake news», insistant sur le fait que le meurtre avait toujours été enregistré comme tel dans le logiciel policier et non comme un accident.
Madame la ministre : un meurtre, quand il est établi, est enregistré comme meurtre dans le LRPPN, et si son auteur est identifié, il est lui même enregistré comme auteur du meurtre. Dire que c’était enregistré comme accident domestique est une #fakenews @CCastaner @NunezLaurent https://t.co/K3QhwEOJSU
— Commissaires de la Police Nationale SCPN (@ScpnCommissaire) April 27, 2019
Finalement, après que la polémique s’était enflammée, la ministre avait évoqué un malentendu et avait expliqué qu’elle parlait de «meurtres maquillés». Elle s’était défendue d’avoir jamais sous-entendu que l’institution transformait les meurtres en accident.
Personne ne dit ça !
— 🇫🇷 MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) April 26, 2019
Vous savez parfaitement que trop souvent les meurtres se conjoint ont été maquillés (noyades, accidents...)
C’est la réalité.
Je comprends l’amour du buzz et de la moquerie mais sincèrement là c’est assez limpide.