Marlène Schiappa affirme faussement que la France a été la première à sanctionner le harcèlement de rue

© AFP 2024 ALAIN JOCARDUne rue à Paris, le 20 mars 2020
Une rue à Paris, le 20 mars 2020 - Sputnik Afrique, 1920, 21.05.2021
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La France est-elle le premier pays à verbaliser le harcèlement de rue, comme l’a affirmé récemment Marlène Schiappa? Non, d’autres pays européens, dont la Belgique voisine, ont adopté des lois sanctionnant ce comportement. La France est cependant la première à permettre de le faire sans dépôt de plainte.

Invitée sur France Culture le 20 mai, Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté auprès du ministre de l'Intérieur, a parlé de questions sociétales avec l’historien et politologue Patrick Buisson.

«La première mesure que j’ai portée dans mes précédentes fonctions, c’était la verbalisation du harcèlement de rue qui pourrissait la vie des femmes», a évoqué la ministre. Elle a précisé que «l’insécurité des femmes dans l’espace public» peut être considérée comme un sujet majeur de préoccupation des Français.

«Nous sommes le premier pays du monde à avoir verbalisé le harcèlement de rue. Il y avait des milliers d’amendes qui ont été émises par les forces de l’ordre», a-t-elle lancé.

Fact checking

Sa remarque a été relayée sur Twitter par le compte de La République en marche (LREM) de Paris, car Marlène Schiappa est par ailleurs candidate LREM aux élections régionales en Île-de-France.

​Sur son propre compte Twitter, Marlène Schiappa a également épinglé sa propre citation.

​Pourtant, la ministre embellie la réalité de cette législation. La France est le premier pays à permettre de verbaliser le harcèlement de rue en flagrant délit et sans dépôt de plainte. Mais elle n’est en rien la première à sanctionner ce délit.

En Belgique, la loi contre le harcèlement de rue a été adoptée en 2014, donc bien avant la loi française, bien que seulement trois plaintes ont été déposées en 2015, explique Libération. De plus, selon la presse belge, l'obstacle principal réside dans la preuve du harcèlement de rue.

Le Portugal a adopté en 2015 une loi similaire. En 2016, le comté du Nottinghamshire, au Royaume-Uni, a décidé de punir toutes les «approches physiques non désirées», tout comme le fait de «d’entrer en contact et d’engager verbalement une femme sans y être invité». Mais dans tous ces cas, le dépôt de plainte est nécessaire, ce qui est souvent ressenti comme un obstacle par les victimes.

C’est uniquement à Rotterdam et Amsterdam, au niveau local donc, que des amendes, c’est-à-dire, un mécanisme rapide, ont été proposées en 2018.

La loi dite Schiappa

Connue sous le nom de loi Schiappa, cette loi, visant à améliorer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, a été promulguée en août 2018. Elle crée notamment une nouvelle infraction: «l’outrage sexiste» qui constitue une contravention de catégorie 4, d’un montant de 90 euros si réglée immédiatement, passant de 750 à 1.500 euros en cas de circonstances aggravantes et à 3.000 euros en cas de récidive.

«Les faits seront constatés en flagrance, pas de dépôt de plainte nécessaire de la part de la victime, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres pays», avait expliqué l’exécutif.

Fin septembre 2018, la première condamnation en vertu de la nouvelle loi avait été prononcée: elle concernait un homme, condamné à 300 euros d’amende pour s’en être pris à une femme dans un bus de Draveil, en région parisienne.

Polémique autour des meurtres «maquillés»

Ce n’est pas la première fois que Mme Schiappa arrange la réalité à son avantage.

En 2019, le syndicat des commissaires de la Police nationale (SCPN) n’avait pas vraiment apprécié sa remarque sur la technique d’enregistrement par la police des meurtres de femmes.

«On qualifie mieux les féminicides désormais. Un meurtre de femme qui avant était comptabilisé comme un accident domestique va désormais plus souvent être qualifié comme meurtre par conjoint», avait écrit Schiappa à l’issue d’une visite dans un centre pour les femmes victimes de violences à Tours en avril 2019.

Alors, le SCPN avait qualifié ses propos de «fake news», insistant sur le fait que le meurtre avait toujours été enregistré comme tel dans le logiciel policier et non comme un accident.

​Finalement, après que la polémique s’était enflammée, la ministre avait évoqué un malentendu et avait expliqué qu’elle parlait de «meurtres maquillés». Elle s’était défendue d’avoir jamais sous-entendu que l’institution transformait les meurtres en accident.

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