En septembre dernier, Éric Dupond-Moretti déclarait que la délinquance des mineurs n’avait pas progressé depuis 10 ans, après que Gérald Darmanin avait évoqué un «ensauvagement» de la société. Interrogé par L’Express sur les chiffres de la délinquance, le ministre de l’Intérieur dit désormais regarder «la réalité en face», comme le garde des Sceaux, sans pour autant se baser sur les statistiques.
«J'aime beaucoup les enquêtes de victimation et les experts médiatiques, mais je préfère le bon sens du boucher-charcutier de Tourcoing», expose-t-il auprès du magazine.
«Il ne faut pas nier le réel», ajoute-t-il, précisant que le Rassemblement national et l’abstention progressent dans le cas contraire.
Violence
Le ministre de l’Intérieur ne manque pas de rappeler, se basant cette fois sur des chiffres, que les faits de violences, sexuelles, conjugales ou familiales sont en nette augmentation depuis 2017.
«Cette insécurité, Emmanuel Macron l'a reçue en héritage», plaide-t-il, assurant que l’État réagit à la situation.
Mardi 18 mai, l’Insee a publié une enquête de «victimation – Cadre de vie et sécurité» selon laquelle la délinquance stagne ces dernières années. Mais le contexte récent, notamment avec la mort d’un brigadier sur un point de deal à Avignon, a poussé le gouvernement à répondre aux revendications des forces de l’ordre.
Nouvelles mesures
Lundi 10 mai, le Premier ministre a annoncé une série de mesures visant particulièrement le renforcement de la réponse pénale face aux agresseurs des forces de l’ordre. Gérald Darmanin, qui sera d’ailleurs présent ce mercredi aux côtés des policiers pour leur rassemblement devant l’Assemblée nationale, précise que 15.000 places de prison sont construites sous Emmanuel Macron.
Il rappelle également que le gouvernement a «refusé ou retiré 20.000 titres de séjour aux étrangers qui ont commis des troubles à l’ordre public», un chiffre «sans précédent», et que le seuil d’aménagement des peines de prison ferme a été ramené à un an, contre deux auparavant. Il reconnaît toutefois que la justice manque de moyens et, à l’instar des syndicats de police, déplore que «les jugements ne correspondent pas au ressenti de la population».
Confiance dans la justice
C’est face à ces critiques qu’Éric Dupond-Moretti a présenté mardi 18 mai son projet de loi pour la «confiance» dans la justice. Il souhaite par exemple que les audiences soient enregistrées au moins au niveau sonore pour que «les Français voient comment on juge», et évoque un programme télévisé qui diffuserait certains procès une fois ceux-ci clôturés.
Le texte n’a pas été favorablement accueilli dans le monde judiciaire, indique l’AFP, en particulier certains articles sur la limitation de la durée des enquêtes préliminaires ou la généralisation des cours criminelles départementales, sans jury populaire. Les réductions de peines devraient également être plus difficiles à obtenir, basées sur la «bonne conduite» et les «efforts de réinsertion».