Dans un article publié jeudi dans la revue Science et consacré aux origines du Covid-19, une vingtaine de scientifiques de haut niveau ont appelé à mieux examiner l’hypothèse d’un accident de laboratoire, considérée comme «extrêmement improbable» par l’étude conjointe Chine-OMS révélée en novembre, au même titre que celle du «débordement zoonotique» naturel.
Ils ont fait état de la nécessité d’une enquête plus approfondie pour déterminer l’origine de la pandémie. Il est selon eux essentiel de savoir comment le Covid-19 est apparu pour éclairer les stratégies mondiales visant à atténuer le risque d'épidémies futures.
Selon les informations du journal Le Monde, quelques heures avant la publication de Science, trois travaux universitaires (une thèse de doctorat et deux mémoires de master) menés ces dernières années à l’Institut de virologie de Wuhan (WIV) et contenant des informations d’importance ont été divulguées sur Twitter.
Rédigés en chinois, les trois mémoires, soutenus en 2014, 2017 et 2019, n’avaient jusqu’à présent jamais été rendus publics. Selon des spécialistes consultés par Le Monde, ils remettent en cause certaines données tenues pour acquises par la communauté scientifique internationale sur le nombre et la nature des coronavirus conservés par le WIV, sur les expériences conduites sur ces virus et même sur l’intégrité des séquences génétiques virales publiées ces derniers mois par cet organisme de recherche.
Un virus proche du SARS-CoV-2
L’un des enseignements majeurs de ces travaux porte sur le virus baptisé RaTG13, le coronavirus le plus proche du SARS-CoV-2 connu à ce jour – mais trop distant pour être son progéniteur, c’est-à-dire son plus proche ancêtre.
L’intérêt particulier de la communauté scientifique pour le RaTG13 est lié au lieu où il a été prélevé en 2013: une mine désaffectée à Mojiang, dans la province du Yunnan.
Le journal indique qu’il s’agit d’une mine fréquentée par des colonies de chauves-souris où six ouvriers ont contracté, au printemps 2012, une pneumopathie aux symptômes évocateurs du SRAS ou du Covid-19. Trois y avaient succombé.
D’où plusieurs questions. Avaient-ils été infectés par un coronavirus de chauve-souris? Combien d’autres coronavirus de type SARS ont été découverts dans la fameuse mine de Mojiang? Y avait-il parmi eux un virus plus proche encore du SARS-CoV-2 que le fameux RaTG13?
Un autre coronavirus existant est conservé au WIV
Le Monde rappelle qu’en novembre 2020, les chercheurs du WIV avaient révélé dans Nature avoir récolté, dans la mine de Mojiang, outre le RaTG13, huit autres coronavirus de type SARS qui demeurent à ce jour non publiés. Les trois mémoires montrent qu’au moins un autre coronavirus, dont l’existence n’a pas été divulguée, est conservé au WIV.
«Il est grand temps que le WIV ouvre ses bases de données à l’ensemble de la communauté scientifique», a déclaré au Monde le virologue Étienne Decroly.
Une thèse insuffisamment approfondie
Fin avril, Le Monde relayait une lettre ouverte portant la signature d’une trentaine de scientifiques de renom. Ces experts y interpellaient le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les «zones d’ombre» du rapport conjoint OMS-Chine portant sur les origines du Covid-19. Un rapport rendu au mois de mars dernier qui jugeait la thèse zoonotique (transmission de l’animal à l’homme) comme la plus probable.
Cependant fin mars 2021,Tedros Adhanom Ghebreyesus a lui-même déclaré, à la suite de la remise du rapport conjoint OMS-Chine, ne pas penser que «l’évaluation d’un éventuel incident de laboratoire ait été suffisamment approfondie».