La crise liée au Covid-19 «a occasionné une aggravation d'une condition déjà dégradée, autant que l'exposition de nouveaux publics à la pauvreté», relèvent les auteurs de ce rapport remis mercredi à Jean Castex, s'inquiétant d'une probable «bombe à retardement».
Cette pauvreté est «multidimensionnelle», impactant aussi bien la précarité monétaire que l'état psychologique, l'accès aux droits ou la nourriture, le sentiment d'isolement ou le décrochage scolaire, soulignent-ils.
Le Premier ministre avait mandaté en janvier cet organe rattaché à Matignon, constitué de 64 membres (chercheurs, représentants d'associations, de parlementaires et de collectivité locales, et personnes concernées), pour «caractériser» la pauvreté depuis la pandémie.
En 2019, la France comptait 9,1 millions de personnes dites «pauvres», c'est-à-dire avec moins de 1.070 euros net par mois, un chiffre en recul de 0,3% par rapport à 2018 mais qui pourrait fortement augmenter pour 2020.
Accélérateur de la pauvreté
Le chiffre ne sera connu que fin 2021, mais déjà de premières tendances émergent. Ces derniers mois, les associations ont alerté sur une explosion des demandes, notamment alimentaires, le nombre d'allocataires du RSA a passé la barre des deux millions (+4,8% en un an), et le chômage a augmenté de 6,3% sur un an, selon les derniers chiffres officiels.
«La crise a agi autant comme un révélateur que comme un accélérateur de la pauvreté», explique à l'AFP la députée Fiona Lazaar (ex-LREM), présidente du CNLE.
Ruptures d'activité, poids du logement dans le budget, fermeture des services publics, inégalités de santé, jeunesse «sacrifiée»: la pandémie «a empêché des sorties de la pauvreté, précipité dedans des personnes qui étaient déjà sur le fil, et entraîné des arrivées inattendues dans les permanences sociales, comme celle des indépendants (commerçants, artisans, auto-entrepreneurs...) qui ont été particulièrement exposés au choc économique», poursuit-elle.
Toutefois, «il y a des filets de sécurité, comme le RSA, le chômage partiel, ou les aides ciblées, qui ont permis aux Français d'avoir un minimum pour vivre», souligne Mme Lazaar, regrettant cependant «des carences» notamment pour aider les jeunes de moins de 25 ans, une catégorie déjà fortement impactée par la pauvreté avant la crise.
«D'ici l'automne», le CNLE proposera au gouvernement «un baromètre pour suivre les effets de la crise sur les populations précaires en temps aussi réel que possible». Un outil dont les résultats seront présenté tous les trimestres, selon sa présidente.