Sputnik: Le fichier audio de l'interview de Mohammad Javad Zarif paru sur Internet est devenu une véritable bombe d'informations et a provoqué de nombreuses réactions dans les médias. Pourquoi ce fichier audio a-t-il été présenté au public d'une manière aussi étrange au moment où des négociations très importantes se déroulent à Vienne? Est-ce lié aux prochaines élections présidentielles en Iran? Y a-t-il des suspects dans la divulgation de cette interview aux médias?
Mehmanparast: Je ne peux pas dire avec certitude qui aurait pu le faire, intentionnellement ou par erreur. Si cela a été fait par erreur, c'est sans aucun doute une grosse erreur, et celui qui l'a faite doit l'avouer et en endosser la responsabilité. Si cela a été fait à des fins mercantiles, ce n'est pas seulement un acte dangereux, c'est un crime sur lequel il faut enquêter.
Il existe une version selon laquelle, puisque l'Iran organisera bientôt des élections présidentielles et que les négociations de Vienne sur le JCPoA [accord de Vienne sur le nucléaire iranien, ndlr] avant le début de la course présidentielle ne donneront probablement pas le résultat souhaité, un scénario spécial a été préparé afin de diviser la société iranienne en deux camps: celui des partisans de l'Occident et celui des partisans de l'Est. Dans ce contexte, la question de la Russie peut se transformer en une des lignes de combat entre les deux pôles. Autrement dit, les Iraniens devront choisir entre la Fédération de Russie et les États-Unis. Si cette version s'avère vraie, cela signifiera qu'un certain groupe de personnes a agi délibérément, selon un scénario à eux, en provoquant ce conflit pour tirer profit des élections présidentielles. S’il y des progrès sur le JCPoA, cela pourrait être utilisé comme une acquisition dans le cadre du programme électoral. Sinon, une telle démarche (la publication d’un fichier audio provocateur) aidera ce groupe à obtenir des voix aux élections.
Sputnik: Le fichier audio publié indique que la Russie, représentée par le ministère des Affaires étrangères, voudrait détruire tous les succès des Iraniens dans le JCPoA et aurait empêché la mise en œuvre de l'accord nucléaire. Quelle forme a pris cette résistance de la part de la Fédération de Russie, évoquée par Mohammad Javad Zarif, ou bien comment interpréter ces propos du chef de la diplomatie iranienne?
Mehmanparast: Il y a deux points importants. Dans quelle mesure les propos que le docteur Zarif aurait dits correspondent à la réalité et dans quel contexte ils ont été prononcés. Deuxième point: il est possible qu'il s'agisse de son observation personnelle sur la question, qui ne coïncide pas nécessairement avec l'opinion et la vision de nos autorités. Je crois qu'en matière de relations bilatérales, il ne peut jamais y avoir d'ami sincère à 100% ni de véritable ennemi à 100%. Tout est toujours basé sur les intérêts nationaux de l'État.
Par exemple, dans les longues négociations sur le JCPoA, différents pays ont agi assez durement [par rapport à l'Iran, ndlr] et, pourrait-on dire, ont entravé nos progrès. C'est la position de la France mais aussi du Royaume-Uni. Sur certaines questions, les Allemands ont été les principaux instigateurs de problèmes et de malentendus. Il y avait des différends passionnés entre les États-Unis et l'EU Trois. Par conséquent, ce que M.Zarif avait à l'esprit se réfère précisément à la période pendant laquelle la visite de Sergueï Lavrov a été retardée pour une raison quelconque dans les derniers jours des négociations avant la signature du JCPoA. Nous devrions partir du fait que cette déclaration de M.Zarif est plutôt son jugement personnel se référant à ce moment-là [juillet 2015, ndlr].
Sputnik: Après la publication du fichier audio, certains analystes ont dit qu’aux négociations de Vienne l'image des États-Unis aux yeux des Iraniens semblait blanchie. Est-ce vrai?
Mehmanparast: En raison de la publication de ce fichier audio, de nombreuses opinions et hypothèses différentes ont fait leur apparition. C’est peut-être ce résultat qu’un groupe de personnes souhaite obtenir: montrer que le rôle de la Russie dans le processus de négociation du JCPoA est négatif pour l'Iran, tandis que celui des États-Unis est positif, que la participation américaine au processus sera bénéfique pour l’Iran, et que ce sont les Russes qui jouent au mauvais flic. Bien sûr, ce jugement est erroné. Comme je l'ai dit, il n'y a pas de personnages à 100% positifs ou négatifs sur la scène politique internationale.