Hausses d’impôts: entre crise du Covid et suppression de la taxe d’habitation, les élus locaux pris au piège

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Des euros  - Sputnik Afrique, 1920, 11.05.2021
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Plus d’un tiers des communes françaises songent augmenter leur taxe foncière, cinq fois plus qu’en 2020. Les élus locaux pointent la responsabilité de l’État qui n’aurait pas couvert le surplus de dépenses lié à la crise du Covid. Pour autant, annoncer une hausse de la fiscalité à la veille d’échéances électorales pourrait se retourner contre eux.

Les impôts locaux vont augmenter: la faute à l’État? C’est en tout cas l’angle d’attaque de l’association des Maires de France (AMF). Dans une enquête menée par l’AMF avec la Banque des Territoires (filiale de la Caisse des dépôts et consignations) auprès de 1.869 communes et intercommunalités «représentant près de 20% de la population française», la moitié d’entre elles aurait subi d’importantes pertes de revenus du fait de la crise sanitaire.

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46% des localités auraient ainsi enregistré une baisse de plus de 27% de leurs recettes tarifaires. Une disette imputable à la fermeture des musées, châteaux, salles de spectacles, cinémas, campings, etc. Même tendance du côté des activités marchandes exercées sur le domaine public, selon l’AMF et la Banque des Territoires qui avancent le cas des taxes sur les remontées mécaniques dont ont été privées certaines collectivités de montagne.

Les caisses des communes, victimes collatérales des consignes sanitaires de l’Élysée

Le rapport pointe notamment du doigt l’ordonnance présidentielle du 25 mars 2020. Afin de préserver les entreprises des conséquences économiques de la crise sanitaire, ce document signé de la main d’Emmanuel Macron a suspendu jusqu’à la fin juillet 2020 le versement aux communes des redevances liées à l’occupation du domaine public. «57% des localités de 20.000 habitants et plus estiment à plus de 30% environ la baisse du produit de leurs redevances domaniales», souligne le document.

Les confinements successifs ont également permis aux mairies de réaliser certaines économies avec la fermeture de leurs locaux. Cela ne saurait toutefois compenser les pertes colossales engendrées. D’autant que les élus ont dû faire face à de nouvelles dépenses telles que la prise en charge de la réalisation de tests PCR –«même si la compétence santé appartient à l’État», souligne le rapport– ou encore la désinfection des rues et de bâtiments communaux afin de respecter les consignes ministérielles.

Le protocole sanitaire de 60 pages du ministère de l’Éducation nationale, à la veille du premier déconfinement en mai 2020, en reste l’une des meilleures illustrations. Ces nettoyages exceptionnels auraient pesé pour 11% des dépenses induites par la crise sanitaire.

«Les élus signalent l’embauche de personnel, notamment pour faire respecter les protocoles sanitaires dans les écoles, à la cantine et à l’accueil périscolaire. Des frais ont aussi été engagés afin d’ouvrir des classes supplémentaires et continuer d’accueillir les enfants à l’école en respectant la distanciation», souligne le rapport.

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Ce qui n’est rien comparé aux achats de masques et de gel hydroalcoolique (respectivement 30% et 27%) de ces «nouvelles dépenses» auxquelles les maires ont dû faire face. «Le télétravail a généré aussi des charges supplémentaires pour équiper les personnels par exemple: le coût représente près de 7% des dépenses», tiennent à alerter les auteurs du rapport.

Même configuration du côté des intercommunalités où on notera une part non négligeable (11%) dédiée… aux «primes exceptionnelles» afin de dédommager le «surcroît de travail et une augmentation des heures supplémentaires» des agents municipaux, justifie le rapport.

Des collectivités sur le front de la crise sanitaire

De manière générale, les collectivités mettent en avant le fait qu’elles ont été au front, aux côtés de leurs administrés. À commencer par une aide aux acteurs économiques, mais également sociaux, avec des «abandons de créances», des «remises gracieuses de loyers» ou encore des «mises à disposition de personnel communal et de matériel communal pour les manifestations», en soutien aux associations caritatives et associations de commerçants.

«Certaines collectivités ont financé la mise en place des nouvelles conditions d’accès aux commerces, imposées par le protocole sanitaire, […] financé les kits sanitaires à destination des commerçants. Des kits de protection ont été distribués aux petits commerces notamment. Elles […] ont autorisé une plus large occupation de la voirie sans frais supplémentaires», égraine le rapport.

Moins de recettes, plus de dépenses, pour «un différentiel compris entre 4% et 5% en moyenne pour l’ensemble des collectivités du bloc communal», estime le rapport. Face à une telle situation, la solution semble toute trouvée…

«Pour faire face à un nouvel effet de ciseaux, mais également aux conséquences de la réforme de la taxe d’habitation, une part importante des collectivités craint de devoir actionner le levier fiscal même si une large majorité d’entre elles souhaite maintenir le niveau actuel.»

Et cela tombe bien car, comme le note le rapport, les recettes fiscales, qui représentent «près de 57% des impôts et taxes de la section de fonctionnement ne devraient pas connaître de baisse». Bref, les communes et intercommunalités comptent donc sur leurs administrés qui, en pleine tempête, paient rubis sur l’ongle.

Vers une envolée des impôts et des tarifs des services publics locaux?

Ainsi, si seulement 7% des communes avaient décidé d’augmenter leurs impôts en 2020, «la tendance évolue cependant en 2021». Elles seraient, selon l’enquête, 36% aujourd’hui à envisager une hausse de leur fiscalité en 2021. Si la facture pour les foyers habitant certaines localités pourrait s’alourdir directement sur leur taxe foncière, ceux qui profitaient jusqu’ici d’abattements et d’exonérations ne seront pas épargnés.

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Par rapport à 2020 où elles n’étaient que 2%, cette année, 29% des communes songeraient à revenir sur ces allégements. Dernière façon de renflouer les caisses sur le dos de ses administrés: la hausse des tarifs des services publics locaux (distribution d’eau, traitement des ordures ménagères, garderies, pompes funèbres, etc.). La part des localités ne souhaitant pas alourdir leurs prix s’effondre sur un an, passant de 90% en 2020 à 57% en 2021. Du côté des villes décidées à se rattraper sur les factures (8% d’entre elles), l’augmentation de leurs tarifs serait de l’ordre de 10%.

Les mêmes tendances se retrouvent sur le plan intercommunal, tant au niveau de la hausse des impôts locaux et des prix des services publics qu’au niveau de la baisse des exonérations et des abattements.

Reste à savoir comment les administrés des localités concernées réagiront à la nouvelle. Bien que les avis de taxe foncière ne devraient pas arriver avant octobre dans les boîtes aux lettres, nul doute que cet alourdissement des impôts devrait jouer un rôle dans les prochains scrutins. Le gouvernement semble avoir délégué aux maires le soin de lever les impôts... et d’en porter la responsabilité.

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