«Nous sommes sur la bonne voie». Invité le 3 mai sur BFM Business, Joël Barre, Délégué général pour l’armement (DGA) s’est montré rassurant sur les perspectives d’un accord entre Paris, Berlin et Madrid au sujet du SCAF.
Propriété intellectuelle: les Allemands ne lâchent rien
Ce différend figurait déjà à l’ordre du jour du Conseil de Défense franco-allemand du 5 février. À l’issue de ce dernier, Angela Merkel avait mis les pieds dans le plat devant la presse et Emmanuel Macron. «C’est un projet qui est sous leadership français, mais il faut quand même que les partenaires allemands puissent être à un niveau satisfaisant face à leurs partenaires» français, avait déclaré la chancelière allemande. «Donc, on doit voir précisément les questions de propriété intellectuelle, de partage des tâches et du partage du leadership.» En somme, le «projet sous leadership français» devrait profiter davantage aux Allemands. Trois mois plus tard, les industriels seraient parvenus à s’entendre, mais pas les États, comme l’a confirmé le 1er mai à Reuters une porte-parole du ministère fédéral allemand de la Défense (BMVg).
«Un accord sur l’utilisation des droits de propriété intellectuelle n’a pas encore été trouvé. Pour l’Allemagne, un accès sans restriction à la recherche financée conjointement est de la plus grande importance», a ainsi affirmé cette responsable.
Le 20 avril, Florence Parly, ministre française des Armées, annonçait après un entretien avec son homologue allemande Annegret Kramp-Karrenbauer –alias «AKK»– la volonté de Paris et de Berlin de parvenir à un accord d’ici fin avril. Accord qui devait entériner la répartition des tâches sur laquelle les industriels français, allemands et espagnols seraient tombés d’accord début avril, selon une information de La Tribune.
«Nous avons quelques jours de retard», concédait lundi 3 mai le patron de la DGA, toujours sur BFMTV. «J’ai bon espoir que dans les jours qui viennent nous aurons conclu cet accord» poursuit-il, annonçant qu’un «accord sera conclu cette semaine.»
SCAF: Berlin tente de prendre le manche du projet «impulsé» par la France
Car pour les partisans de ce projet de coopération européenne, le temps presse. Afin de passer à l’étape suivante (1B), qui consiste dans le développement d’un démonstrateur de vol d’ici 2026, le Bundestag doit en adopter le budget. Cette étape rendrait théoriquement le SCAF, estimé à environ 100 milliards d’euros, irrévocable, mettant ainsi à l’abri des alternances politiques ce projet de coopération avec l’Allemagne, souhaité par l’Élysée.
Problème, le Bundestag doit prochainement cesser ses travaux dans la perspective des élections fédérales du 26 septembre prochain. Une échéance majeure, à l’issue de laquelle les membres de l’assemblée parlementaire seront renouvelés et un nouveau chancelier nommé. En somme, une course contre la montre s’est engagée pour les défenseurs du SCAF, et Berlin semble bien en profiter pour mettre la pression sur Paris. Car, comme l’a rappelé ce lundi Joël Barre sur le plateau de BFM, c’est la France qui fut à l’origine de ce rapprochement franco-allemand autour du SCAF:
«Les systèmes de combat, les systèmes d’armes sont de plus en plus complexes, donc de plus en plus chers, de plus en plus lourds et difficiles à développer. Donc, je crois que la sécurité de notre pays, la défense de la France, repose sur cette stratégie de coopération que le Président Macron et le gouvernement nous ont demandé d’impulser dès 2017», répondait celui qui a été nommé à la tête de la DGA par Emmanuel Macron.
À l’époque, le tout juste élu Président de la République avait proposé à Angela Merkel, lors d’une réunion du Conseil des ministres franco-allemand, de collaborer sur ce projet jusqu’alors essentiellement franco-britannique. Un SCAF dont l’Allemagne ne manquait d’ailleurs pas de faire savoir qu’elle s’estimait «exclue», reprochant à Paris de ne pas jouer le jeu de la coopération européenne.
La France rêve d’unité européenne, l’Allemagne de brevets pour ses industriels
Pour la ministre allemande de la Défense, à l’époque pressentie pour prendre la succession d’Angela Merkel à la tête du pays, les États-Unis à travers l’Otan doivent rester le cœur de la défense européenne. «Un contresens de l’histoire», avait répondu la semaine suivante Emmanuel Macron dans un entretien-fleuve à la revue Le Grand Continent. «La chancelière n’est pas sur cette ligne, si j’ai bien compris les choses», avançait le locataire de l’Élysée, qui durant sa campagne de 2017 avait fait de l’Europe de la défense l’un de ses grands chevaux de bataille électoraux. Une différence d’approche stratégique qui trouve aujourd’hui sa concrétisation dans les atermoiements autour du SCAF.