Noyaux crachés, hectares reboisés: le pari d'un ramadan écolo au Sénégal

© Photo Pixabay / DEZALB / Forêt de baobabs au SénégalForêt de baobabs au Sénégal
Forêt de baobabs au Sénégal - Sputnik Afrique, 1920, 03.05.2021
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Au Sénégal, l’Agence chargée de la reforestation ne manque pas d’initiatives pour lutter contre la déforestation avancée dans le pays. Elle déroule en ce moment une opération de collecte des noyaux de dattes, très consommées durant le ramadan, pour reboiser ce pays qui perd officiellement jusqu’à 40.000 hectares de forêt par an.

Et si le mois du ramadan pouvait être l’occasion de replanter des milliers d’hectares de forêts perdues? C'est le pari qu'entend relever l’Agence sénégalaise de la reforestation et de la grande muraille verte du Sénégal (ASERGMV). Depuis le début du jeûne de ramadan, mois sacré chez les musulmans, elle demande aux Sénégalais de lui faire parvenir leurs noyaux des dattes, fruits très consommés généralement par les musulmans durant cette période, pour contribuer à la reforestation du pays. Diverses associations ont répondu présentes et se chargent volontairement de collecter les noyaux auprès des consommateurs.

Officiellement, le Sénégal perd chaque année, environ 40.000 hectares de forêt. Et cette agence publique placée sous la tutelle du ministère de l’Environnement, créée le 31 décembre 2008 mais opérationnelle seulement depuis 18 mois, a reçu pour mission d’éviter une catastrophe écologique au pays. Pour cela, le concours des Sénégalais est indispensable et elle cherche à les impliquer dans sa mission.

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D'ici la mi-mai 2021, qui correspond à la fin du mois du ramadan cette année, l’agence sénégalaise compte récupérer au moins dix tonnes de noyaux de dattes, soit plusieurs centaines de millions de graines, pour reboiser de grands espaces, affirme à Sputnik son directeur général, Haïdar el Ali.

«Selon nos propres études, seulement une graine sur 10.000 qui poussent, arrive à maturité. Donc si nous arrivons à collecter une centaine de millions de graines, on peut espérer au moins qu'une dizaine de milliers vont pousser», indique-t-il.

Des noyaux de baobab aux noyaux de dattes

Cette nouvelle opération de collecte de noyaux de dattes, succède en effet, à une autre effectuée durant la période de Pâques, la plus importante fête célébrée par la minorité chrétienne, qui a précédé de deux semaines le ramadan.

En cette occasion, l’Agence sénégalaise de la reforestation et de la grande muraille verte du Sénégal a pu collecter une tonne de graines du fruit de baobab, qui représente, selon Haïdar el-Ali, plusieurs centaines de milliers de graines.

«Pendant la fête de Pâques, la communauté chrétienne prépare généralement un plat traditionnel que l'on appelle le N'galakh, dont la principale composante est le fruit du baobab. Alors j'avais demandé aux fidèles chrétiens de récolter des graines des fruits du baobab pour nous. J’ai été agréablement surpris du résultat et j’ai décidé de reconduire la même opération pour la période de ramadan au cours de laquelle un autre fruit [ndlr, les dattes] est prisé» a expliqué à Sputnik Haïdar el-Ali.

Des arbres majestueux et résistants à la chaleur

La disparition des forêts au Sénégal est beaucoup plus accentuée dans le nord où les températures sont les plus élevées dans le pays. Haïdar el-Ali parle de 45 à 50°C à l’ombre.

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Dans cette zone où le reboisement est une priorité pour l’agence, le baobab et le dattier sont les arbres qui s’adaptent le mieux aux conditions climatiques, assure-t-il.

«Le baobab est le symbole de notre pays, le Sénégal. Le baobab est un arbre millénaire et majestueux, qui a plusieurs utilités. On en mange le fruit, c'est aussi un pâturage aérien et un arbre très résistant à des conditions extrêmes. Le dattier, c'est pareil. C’est un arbre qui résiste à des températures très élevées» détaille Haïdar el-Ali.

Le responsable sénégalais affirme que s’agissant spécialement des dattes que les Sénégalais importent en grande quantité durant le ramadan, «la promotion d’une reforestation basée sur les dattiers, sera utile à l’avenir avec des Sénégalais qui vont pouvoir consommer des dattes produites par leur propre pays».

Et l’agence ne compte pas s’arrêter à ces deux arbres fruitiers. Après le ramadan, ce sera le tour du manguier et du corossolier. Elle compte travailler par ailleurs sur une centaine d’autres espèces pour ensemencer les terres sénégalaises avec des centaines de millions de graines contribuant ainsi à la reforestation du pays.

Des stratégies innovantes pour la semence

D'autres stratégies sont mises en place pour reboiser des centaines de milliers d’hectares de terres perdues au Sénégal ces dernières années, précise Haïdar el-Ali.

Il s’agit principalement de multiplier les pépinières, d'avoir recours aux techniques de jet de noyaux ou de graines au moyen de lance-pierres ou encore de favoriser le mutualisme, du nom de cette interaction biologique entre des animaux et des produits de la terre.

«Après la phase de collecte, lorsque nous aurons reçu beaucoup de semences d'arbres utiles aux populations, nous allons entamer une deuxième phase qui consiste à retourner vers les populations pour nous aider à faire des pépinières dans les villages» raconte le Directeur général de l’Agence nationale de la reforestation et de la grande muraille verte.

Par ailleurs, des équipes de volontaires engagés aux côtés de l'agence vont pouvoir disperser les graines dans la nature en utilisant des lance-pierres, juste avant la saison des pluies afin qu'elles puissent trouver plus loin des terres favorables et germer.

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L'agence compte tirer parti du mutualisme, et même le provoquer en donnant des fruits spécifiques à manger à des animaux lesquels, après digestion, retourneront les noyaux à la terre au cours de leur promenade dans des endroits où la végétation a reculé. Des arbres pourront alors pousser à la faveur de cette interaction biologique dite hétérospécifiques (c’est-à-dire entre deux espèces ou organismes différents).

Pour d’autres arbres qui deviennent rares, à l’exemple du rônier, dont le seul animal capable d'avaler les fruits est l’éléphant, animal en voie de disparition en Afrique de l'Ouest, il peut s'avérer difficile de pouvoir compter sur le mutualisme. La technique du lance-pierre vient alors à la rescousse.

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