Après des semaines de tergiversation et de conciliabules politiques à ne point finir, les élus congolais ont finalement investi le gouvernement du Premier ministre Sama Lukonde à la majorité absolue, ce lundi 26 avril, au Palais du peuple. «Heureux d’avoir reçu la motion d’approbation du programme et l’investiture du gouvernement de l’Union sacrée de la nation à l’Assemblée nationale», a réagi le chef du gouvernement sur son compte Twitter. 410 des 412 députés présents dans l’hémicycle ont approuvé le programme du nouveau gouvernement. Pour la population congolaise qui attend ce moment depuis le mois de février, date de la nomination de Sama Lukonde par le Président Félix Tshisekedi, c’est un grand ouf de soulagement.
Heureux d’avoir reçu la motion d'approbation du programme & investiture du gouvernement de l’Union Sacrée de la Nation à l’Assemblé nationale @AssembleeN_RDC.
— Sama Lukonde (@LukondeSama) April 26, 2021
Aujourd'hui nous devons montrer à la face du monde que:
Impossible n'est pas Congolais. ✌️ pic.twitter.com/THqkANpIgF
Des défis énormes
Le Premier ministre Sama Lukonde est bien conscient que la tâche qui l’attend est titanesque. En effet, si la situation politique semble se stabiliser depuis la rupture de l’ancienne coalition au pouvoir FCC-CACH, la situation socio-économique et sécuritaire, elle, n’a rien à envier à certains «États faillis». L’urgence est à tous les niveaux et les défis sont énormes. Bien en haut de la liste des priorités, il y a l’épineuse question sécuritaire à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Là-bas, les groupes armés continuent de faire régner la loi de la terreur.
Au mois de mars, la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a alerté le Conseil des droits de l’homme de l’Onu sur l’ampleur alarmante des violences dans l’est de la RDC. En 2020, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) a documenté près de 8.000 violations et atteintes aux droits de l’homme en RDC, ce qui représente une moyenne de 659 violations par mois. Ces chiffres sont en hausse de l’ordre de 21% par rapport à 2019. Selon le BCNUDH, cette progression résulte de la détérioration de la situation sécuritaire au Nord et au Sud-Kivu ainsi qu’en Ituri, où l’institution a enregistré l’écrasante majorité (93%) des violations et atteintes au cours de l’année écoulée. Au moins 2.945 civils ont été tués, dont 553 femmes et 286 enfants. La colère gronde tous les jours dans les quatre coins de la République, où l’on reproche au pouvoir de ne rien faire pour sécuriser les Congolais de l’est.
Mais au regard du programme qu’il a présenté, certains députés et observateurs se sont montrés circonspects. Ados Ndombasi, un député de l’opposition, a lâché sur RFI: «Il n’y a aucun chiffre, pas de chronogramme, pas de calendrier... Donc il sera difficile pour nous les députés nationaux de suivre ce programme d’action que nous considérons comme un chapelet de bonnes intentions.»
Non seulement l’argument n’est pas sans fondement, mais la mobilisation interne des recettes ne dépasse pas les trois milliards de dollars. Difficile dans ces conditions de croire au Père Noël. En réalité, les députés congolais ont approuvé le programme du gouvernement sans vraiment y croire...
Tshisekedi, seul aux commandes
La partie s’annonce donc corsée pour le gouvernement de Sama Lukonde, mais aussi et surtout pour Félix Tshisekedi qui l’a nommé. En effet, même si ce dernier a les mains libres et peut désormais diriger le pays sans crainte d’être importuné par son prédécesseur, comme cela a été le cas pendant la première année de son pouvoir, le chef de l’État congolais est bien conscient que son avenir politique dépend en grande partie de la réussite ou non de ce gouvernement.
Arrivé au pouvoir dans des conditions calamiteuses, Félix Tshisekedi a pu bénéficier d’une sorte de mansuétude de la part de la population congolaise, qui n’appréciait guère la coalition dans laquelle il évoluait. Lui-même avait souvent accusé le FCC (Front commun pour le Congo) de l’ancien Président Joseph Kabila de lui mettre des bâtons dans les roues. Une perception que partageait une bonne partie de la population. Or ce temps-là est révolu. Désormais seul aux commandes, il n’a plus d’excuse à donner. Deux ans se sont écoulés sans que le pouvoir n’ait été capable de poser une action concrète susceptible d’améliorer le quotidien de la population. Ça gronde dans les quartiers populaires de la capitale Kinshasa et dans l’arrière-pays. Le gouvernement Sama, qui vient de prendre les commandes de l’exécutif, est un gouvernement de la dernière chance.
En attendant 2023...
Félix Tshisekedi s’y prépare déjà. Il a positionné ses hommes de confiance dans le gouvernement dans les services de sécurité et d'autres structures de l’État, notamment à la Cour constitutionnelle. De plus, ses proches bénéficiant de leviers financiers importants, notamment au sein de la Bourse qu'ils contrôlent, peuvent obtenir le soutien d'une kyrielle de petits partis en faveur de Tshisekedi. Si tout cela lui permet de mettre toutes les chances de son côté afin de rempiler en 2023, année des élections, rien n’est pour autant gagné.