Le couvre-feu seul jugé peu efficace sur l’épidémie, pourquoi le gouvernement s’entête-t-il?

© Sputnik . Dominique Butin / Accéder à la base multimédiaCouvre-feu à Paris
Couvre-feu à Paris - Sputnik Afrique, 1920, 23.04.2021
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Alors que la situation épidémiologique mériterait des mesures plus fortes pour certains spécialistes, le gouvernement campe sur sa position: lever peu à peu les restrictions et maintenir le seul couvre-feu. Un choix qui laisse perplexe le docteur Alexis Hautemanière. Pour lui, cette stratégie n’est pas uniquement liée à des impératifs sanitaires.

«On ne touchera pas au couvre-feu!», avait prévenu une source proche du gouvernement, Jean Castex l’a confirmé lors de son point presse du 22 avril. Si l’incertitude planait quant à la mise en place d’une version «allégée», le Premier ministre a tenu à réaffirmer que le couvre-feu à 19h serait «maintenu jusqu’à nouvel ordre». Une mesure dont l’efficacité reste pourtant à démontrer. Dans un avis adressé au gouvernement mi-mars, le Conseil scientifique alertait ainsi l’exécutif sur l’«incapacité du couvre-feu à contenir [le] variant [britannique] devenu dominant».

«Le couvre-feu est insuffisant parce que vous allez agir uniquement sur les déplacements en soirée. En matière d’efficacité et de contrainte vis-à-vis du virus, ce n’est pas une mesure très puissante», résume au micro de Sputnik le docteur Alexis Hautemanière, médecin épidémiologiste et hygiéniste.

Selon lui, ce dispositif ne permettrait pas de «bloquer» la propagation du virus, mais simplement de la «freiner». Or la situation sanitaire est toujours «très tendue», comme l’a concédé Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Depuis le 15 décembre, date d’entrée en vigueur du couvre-feu, le nombre de contaminations journalières reste d’ailleurs à des niveaux très élevés.

Incapacité à contenir le variant britannique

Sur la période de janvier à fin mars, ce chiffre n’a fait qu’augmenter, passant de 10.000 nouveaux cas quotidiens en moyenne début décembre, à près de 40.000 fin mars, selon les données recensées par CovidTracker. Une tendance qui a accentué la pression sur le système de soins: le nombre de patients en réanimation était de 2.625 le 5 janvier dernier, alors que le 21 avril, il s’élevait à 5.959, soit une augmentation de 127%!

​Alors, comment expliquer cette volonté de l’exécutif à maintenir cette seule mesure? Pour le docteur Hautemanière, cela tient avant tout du calcul politique.

«Cette décision n’est pas que sanitaire. […] Le gouvernement français et la présidence de la République ont très peur des différents mouvements sociaux que l’on a vu surgir ailleurs, notamment aux Pays-Bas», avance l’épidémiologiste.

En effet, des manifestations anti-restrictions ont essaimé partout en Europe afin de dénoncer les mesures prises par les différents gouvernements. Cependant, à vouloir ménager le moral des Français, le message de l’exécutif a perdu de sa limpidité, déplore le docteur Hautemanière.

«Contrer l’effet apéro»

En témoignent les différents rassemblements en journée, le week-end, qui ont vu le jour à travers la France.

«Les gens n’ont pas du tout compris ce que voulait dire la période du mois d’avril. Pour eux, le soir c’est interdit, mais en journée c’est autorisé. Alors que jusqu’au 3 mai, cette phase dans laquelle on est nécessite d’interdire d’aller chez les amis, les copains et dans la famille pour manger ou prendre l’apéro», souligne le spécialiste.

Un comble pour l’exécutif. En janvier dernier, Stanislas Guerini, délégué général de LaREM, justifiait la généralisation du couvre-feu à 18h, au lieu de 20h, sur l’ensemble du territoire pour «contrer l’effet apéro». «Ce couvre-feu a un intérêt qui permet de s’attaquer à un virus social, le virus il se déplace avec nous. À peu près un tiers des contaminations sont dans le cercle amical, familial», expliquait-il.

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D’après une étude de l’Institut Pasteur, les chercheurs ont observé que concernant les contaminations hors foyer (65% des contaminations quand la personne source est connue), elles avaient lieu dans le cercle familial (33%), puis dans le milieu professionnel (29%), et enfin dans le milieu amical (21%). «Les repas jouent un rôle central dans ces contaminations, que ce soit en milieu familial, amical, ou à moindre degré professionnel», ont détaillé les auteurs. En outre, 35% des personnes sondées ne savaient pas comment elles avaient été infectées.

«Pour faire diminuer le taux d’incidence, il faut limiter les échanges interhumains. La mesure la plus efficace est donc le confinement, en interdisant à tout le monde de sortir de chez soi», conclut le docteur Alexis Hautemanière.
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