Les terroristes exigeraient «l’enseignement de l’arabe» pour cesser les attaques d’écoles au Burkina Faso – exclusif

© AFP 2023 OLYMPIA DE MAISMONTLes enfants de l'école primaire à Dori, au Burkina Faso le 4 févrir 2020.
Les enfants de l'école primaire à Dori, au Burkina Faso le 4 févrir 2020. - Sputnik Afrique, 1920, 14.04.2021
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Depuis 2015, les écoles burkinabè subissent des attaques terroristes allant jusqu’à des viols et des meurtres. Mahamadou Sawadogo, spécialiste de l’extrémisme violent, indique à Sputnik que les habitants sont entrés en contact avec ces groupes armés qui leur auraient communiqué l’une des exigences de la paix: l’enseignement de l’arabe.

Le Sahel central est en proie depuis six ans à des attaques terroristes visant les écoles: les élèves et les enseignants sont enlevés, recrutés au sein des groupes armés ou violés et tués. Ces groupes utilisent également des dizaines d’écoles à des fins militaires, notamment comme campement et base temporaire. Au Burkina Faso, 2.200 établissements scolaires ont fermé face à la menace et la situation ne s’améliore guère, privant plus de 300.000 élèves d’éducation. Les régions du nord et de l’est du pays sont particulièrement touchées.

«L’école est le symbole de l’État»

Selon le rapport phare de la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques (Global Coalition to Protect Education From Attack, GCPEA), plus de 430 attaques contre l’éducation dans le Sahel central ont eu lieu entre 2015 et 2019. En 2020 et 2021, les attaques se sont poursuivies, malgré la pandémie et la fermeture partielle des établissements scolaires.

​D’après Mahamadou Sawadogo, spécialiste de l’extrémisme violent et des questions de sécurité au Sahel, cibler les écoles et surtout les élèves est utile à double titre pour les terroristes:

«L’école est le symbole de l’État, d’ailleurs c’est le seul symbole qui reste dans les zones reculées où l’État est absent. C’est une stratégie qui leur a réussi jusqu’à là et qui leur permet non seulement de recruter, mais surtout de faire en sorte que les zones rurales en veuillent beaucoup à l’État, parce que l’État n’arrive pas à assurer la sécurité de la population dans ces zones.»

Des groupes armés ont commencé à attaquer des enseignants et des écoles au Burkina Faso, invoquant leur opposition à l’éducation «française» ou de «style occidental» et aux institutions gouvernementales.

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L’enseignement de l’arabe, clé de la paix?

Mais il y a peu de temps, les communautés ont réussi à entrer en contact avec ces groupes armés et à apprendre leurs exigences qui pourraient conduire vers la paix, certifie Mahamadou Sawadogo. D’après lui, il s’agirait de l’enseignement de l’arabe à l’école parmi les autres disciplines.

«Peut-être faut-il intégrer une école franco-arabe qui pourrait être une solution palliative, qui permettrait la réouverture de certains établissements scolaires, car certaines écoles ont rouvert sous condition que l’on enseigne l’arabe. Je pense que cela fera moins de mal, plutôt que de laisser ces élèves sans appui, sans éducation: c’est ce qui va les forcer finalement à rejoindre ces groupes armés terroristes.»

L’expert poursuit qu’il faudrait aussi revoir la manière dont l’enseignement est dispensé aux populations de ces régions: s’agissant principalement de populations nomades, l’État burkinabè pourrait s’adapter et proposer des écoles ambulatoires.

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Le gouvernement n’arrive pas à assurer la sécurité

Le Burkina Faso affronte depuis des années un climat d’insécurité, avec cinq à huit attentats par semaine, dont les attaques contre les écoles font partie. M. Sawadogo explique que le gouvernement n’arrive pas à assurer la sécurité, parce que les forces de Défense ont une faible couverture territoriale, surtout dans l’est et le nord du Sahel.

«Ce sont les forces de sécurité qui ont été la première cible des groupes terroristes: ils s’occupent d’abord de leur propre survie et de leur défense. Ils ont dû réduire le nombre de camps pour mieux se défendre, ce qui a permis d’avoir moins de victimes du côté de l’armée, mais plus de victimes du côté de la population.»

Le manque de moyens des pays du Sahel est souvent mis en avant. Mais il est aussi question d’une stratégie qui n’est pas adaptée à la menace. En conséquence, des enseignants et des élèves se trouvent en danger et n’ont d’autre choix que de céder à l’exigence de rejoindre des groupes armés ou de fermer les écoles et de fuir.

«Il faut surtout comprendre le problème qui a emmené les populations de ces régions à basculer dans l’extrémisme violent. Pour moi, il y a une incompréhension du phénomène qui fait que même si nous apportons des réponses, ce ne sont toujours pas des réponses adaptées», ajoute l’expert.

Dans les attaques documentées contre les écoles au Burkina Faso, au moins 12 professionnels de l’éducation ont été tués et 17 agressés, de nombreux autres ayant été détenus de force et menacés, relatent les autorités burkinabè.

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Tous les cinq jours, une école victime d’un attentat dans le monde

Parmi les personnes tuées figurent cinq enseignants abattus dans une école primaire, quatre enseignants et administrateurs enlevés et tués, dont deux décapités, ou encore un enseignant bénévole retraité abattu alors qu’il donnait des cours de soutien à des enfants.

Tous les cinq jours, une école dans le monde subit une attaque terroriste. Selon le rapport de la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques, plus de 11.000 attaques ont été commises contre des établissements d’enseignement, des élèves et des enseignants entre 2015 et 2019 dans le monde entier, blessant ou tuant plus de 22.000 élèves, enseignants et universitaires.

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