Alors que certains pays entament leur déconfinement, Haïti n’aura sans doute jamais l’occasion d’entamer le sien, la Perle des Antilles n’ayant jamais été vraiment confinée!
La vie poursuit son cours, mais les habitants doivent toujours composer avec des séries d’enlèvements et la montée du crime organisé. L’insécurité grandissante est l’un des multiples problèmes aggravés par la crise politique et économique. Le 11 avril dernier, sept ecclésiastiques catholiques ont été enlevés près de la capitale, Port-au-Prince, parmi lesquels deux ressortissants français. Le parquet de Paris a ouvert une enquête sur l’affaire.
Covid-19? Les Haïtiens ont d’autres chats à fouetter
Dans ce contexte, «le Covid-19 est anecdotique en Haïti», lance au micro de Sputnik Clarens Renois, le coordonnateur général du parti d’opposition UNIR. Ces derniers jours, des articles relayés dans la presse occidentale ont fait état de l’absence totale de vaccins en Haïti. Une réalité qui peut choquer les publics occidentaux, mais qui émeut très peu les principaux concernés, observe notre interlocuteur:
«Cette histoire de vaccins n’est même pas une préoccupation ici. Très peu de personnes suivent les instructions relatives à la distanciation sociale, au port du masque et à ce genre de choses. [...] Ce n’est une préoccupation ni dans la presse ni au gouvernement. Ce qui tracasse vraiment les Haïtiens, ce sont les enlèvements perpétrés par les gangs. La situation se dégrade de jour en jour», avertit-il.
Le 7 février dernier, avec l’appui de Washington, le Président Jovenel Moïse a annoncé qu’il prolongeait son mandat d’un an alors que son règne était déjà fortement contesté. Les opposants au Président l’accusent notamment d’avoir détourné des fonds du PetroCaribe, un prêt accordé à Haïti par le Venezuela. D’ailleurs, une enquête de la Cour supérieure des comptes a conclu que le Président avait trempé dans cette fraude.
Malgré la crise, Jovenel Moïse s’accroche au pouvoir
La prolongation du mandat présidentiel a soulevé de nouvelles vagues de protestation.
🔴🇭🇹 Plusieurs milliers de personnes manifestent en #Haïti contre la dictature et les dérives du pouvoir en place alors que le Président Moïse prolonge illégalement son mandat depuis dimanche dernier selon l'opposition. pic.twitter.com/WeUzRXuNfn
— Anonyme Citoyen (images) (@AnonymecitoyenS) February 14, 2021
Durant le mois de février, de nombreux heurts violents ont opposé forces de l’ordre et manifestants. Un tel chaos ne contribue guère à ériger le virus au rang de grande priorité nationale!
«Les Haïtiens ne se font pas tester pour le Covid-19. De toute façon, il n’y a pas de tests disponibles. Les seules personnes qui se fassent tester sont les gens qui doivent partir pour l’étranger, vers des pays qui les obligent à présenter un certificat de test négatif. [...] Les chiffres et les statistiques fournis par l’État sont arbitraires.»
D’ici à quelques semaines, Haïti devrait tout de même recevoir 756.000 doses du vaccin AstraZeneca dans le cadre du programme COVAX des Nations unies. Un dispositif qui doit permettre à des pays défavorisés d’avoir «un accès équitable» au vaccin, selon l’expression de l’Onu.
AstraZeneca: les responsables haïtiens n’en veulent pas
D’après un article du journal haïtien Le Nouvelliste, les responsables sanitaires haïtiens refuseraient toutefois de recevoir les doses, faisant valoir la controverse entourant les potentiels effets secondaires de ce vaccin.
Je viens de présider,au Palais national,un Conseil des Ministres à l’extraordinaire autour du phénomène de l’insécurité. Parmi les mesures adoptées:un Décret pour réviser la Loi sur l’Etat d’urgence afin de donner au CSPN les moyens pour combattre le banditisme et la criminalité. pic.twitter.com/f0KRgvaFGY
— Président Jovenel Moïse (@moisejovenel) March 15, 2021
Par ailleurs, un centre de recherche, cité par le Département d’État américain, a conclu que des millions de dollars destinés à la lutte contre le virus avaient été détournés par le gouvernement haïtien. Le Center for Human Rights Research and Analysis accuse l’administration Moïse d’avoir perpétré une «vaste opération de corruption, de paupérisation et de violation des droits de l'homme». Des accusations qui ne surprennent guère Clarens Renois, dont le parti vise principalement à mettre un terme à la corruption et à «rétablir le système de justice»:
«La transparence n’est pas le fort de l’administration Moïse. Les scandales de corruption se succèdent. Ce ne serait pas du tout étonnant que le Président soit de nouveau coupable d’une affaire de détournement. Il n’y a ni transparence ni reddition de comptes [justification de l’usage des deniers publics, ndlr] dans la gestion du Président», déplore Clarens Renois.
Selon les données fournies par Google, en date du 12 avril, sur onze millions de Haïtiens, seuls 252 étaient morts de complications dues au Covid-19.