«Pour créer les conditions de la révolution, il faut créer une vision commune. Et cela commence par prendre conscience que le mal qui nous afflige est le néolibéralisme.» Voici le constat dressé par François Boulo. L’avocat au barreau de Rouen s’est révélé comme l’un des orateurs préférés des Gilets jaunes. Bien que ces derniers soient quasi sortis de l’actualité, le trentenaire est loin d’avoir abandonné le combat.
Il vient de publier Reprendre le pouvoir (éd. Les Liens qui libèrent), son «manuel d’émancipation politique».
«J’ai essayé de décrire le néolibéralisme, mais sans partir de l’idéologie ou de la description qu’en font les intellectuels. Je suis parti de la pensée concrète des gens. De ce que j’entendais dans les débats, dans la rue, au bistrot, avec mes amis, etc.», explique l’avocat.
Son but? Démonter «les arguments, les poncifs, les idées reçues» que, selon François Boulo, «l’on entend en permanence». «C’est toujours cinq principes économiques. D’abord, seule la croissance peut permettre d’augmenter le pouvoir d’achat des citoyens. Ensuite, la concurrence, avec la pensée que l’État ne sait pas gérer et que seuls le marché et le secteur privé sont performants et efficaces», analyse-t-il. Et d’enchaîner sur la question de la dette en se moquant des néolibéraux: «Mon Dieu, la dette, notre pays est en faillite, les générations futures… Il faut rembourser! C’est la catastrophe.»
«On ne peut pas débattre de certains sujets»
Le porte-parole des Gilets jaunes à Rouen évoque également la question fiscale. François Boulo résume la contribution néolibérale à la réflexion sur… les contributions: «On ne peut pas augmenter les impôts des plus riches, car sinon ils vont fuir le pays et l’économie va s’effondrer.» «Puis vient enfin la flexibilité qui veut que le marché du travail soit trop rigide et inflexible et qu’il faille donc le libérer pour libérer les énergies», poursuit l’avocat.
En attendant la sortie le 14 avril prochain de Reprendre le pouvoir📚
— François Boulo (@FrancoisBoulo) April 8, 2021
Je publie ici la 4ème de couverture.
Je vous partagerai mes prochaines interventions médias prévues. Hâte d’avoir vos retours ! pic.twitter.com/DnHlbe1vNW
Dans Reprendre le pouvoir, François Boulo s’attèle à démonter ces arguments, clé selon lui pour que les masses comprennent le système «qui les écrase». Une étape cruciale pour l’auteur dans la «reprise du pouvoir» par le peuple. Mais la création d’une «vision commune» ne sera pas simple. François Boulo le sait: «Dans le livre, j’évite les sujets qui divisent et qui fâchent.»
Quand on lui fait remarquer que l’immigration ressort régulièrement dans les sondages comme une source d’inquiétude pour beaucoup de Français, François Boulo se défend d’éluder le problème, mais assume sa stratégie:
«Le livre ne traite pas certains problèmes, car, en l’état, du débat public, on ne peut pas débattre de certains sujets puisque la rationalité ou la nuance ne sont plus permises.»
L’avocat a pris le parti de parler des sujets «sur lesquels on peut se mettre d’accord». En particulier sur le fait que la politique actuelle, menée «au profit des 0,1% des plus riches, asservit les peuples et détruit la nature».
Le symbole du Gilet jaune n’est plus rassembleur
Un rassemblement massif derrière une telle idée pourrait-il mener à un retour en force des Gilets jaunes? L’avocat confesse qu’il n’y croit pas trop. Cela serait de toute façon «une mauvaise idée» selon lui parce que «la propagande médiatique a fait son œuvre»:
«Aujourd’hui, les Gilets jaunes sont systématiquement associés aux complotistes ou aux casseurs. Force est de constater que cela a pris dans une partie de la société française. Le symbole du Gilet jaune n’est plus rassembleur.»
François Boulo sait que ce combat prendra du temps. Il ne croit d’ailleurs pas à l’émergence d’un mouvement social de grande ampleur dans un futur proche:
«Si je dois formuler des prédictions, avec toutes les réserves que cela implique, je pense qu’il va être compliqué de mobiliser dans cette période. Beaucoup de gens ont peur pour leurs intérêts économiques. Je parle là des gens de base qui ont peur de perdre leur emploi, de voir leur entreprise fermer.»
Mais, comme le précise François Boulo, «cela n’empêche pas de se mobiliser»:
«Si demain se trouve avoir lieu une mobilisation sur les thématiques des Gilets jaunes, je serai dans la rue.»
Bien que le Normand ne croie pas à l’imminence d’une révolte populaire, il ne compte pas rester les bras croisés: «Je pense que l’on va pouvoir se saisir de cette période où il va se passer beaucoup de choses pour faire progresser les idées. Il va y avoir une écoute de plus en plus importante des résistants "mous", de ceux qui, pour le moment, sont encore centrés sur leurs avantages corporatistes. Peut-être qu’ils vont vouloir se mettre à comprendre le système qui est en cause et qui explique pourquoi on en est là», ajoute-t-il.
François Boulo l’assure:
«Une partie des endormis va se réveiller par la force des choses. Ils vont se retrouver dans une situation tellement inextricable sur le plan financier et matériel qu’ils vont, comme les Gilets jaunes, ne pas avoir le choix que d’essayer de comprendre pourquoi ils en sont là.»