Le 2 avril dernier, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky mettait en application la décision du Conseil de sécurité nationale et de défense: des sanctions ont pris effet contre entre autres l’agence culturelle russe Rossotroudnitchestvo et sa représentation à Kiev, la Maison russe des sciences et de la culture. Elle continuait de travailler ces derniers temps malgré les attaques politiques et les pressions des radicaux ukrainiens.
«Les centres culturels sont des lieux où peut encore être entendue une autre couleur du monde, celle que l'on peine tant à entendre ailleurs, une parole qui ne soit pas que politique. Ils ne méritent aucune fermeture. Comment ne pas y voir le signe d'une dérive stupide que connaît l'Ukraine aujourd'hui à travers des questionnements incessants et puérils?» interroge la réalisatrice.
«Pourquoi ce choix, d'abord?» lance celle dont le documentaire Donbass a été qualifié par les critiques d’«ode à la paix universelle». Elle rappelle que le Centre culturel ukrainien est toujours ouvert rue Arbat, à Moscou. Effectivement, le sénateur Konstantin Kosatchev, vice-président du Conseil de la fédération, a souligné que la réponse de Moscou aux sanctions de Kiev ne devrait pas se traduire par la fermeture du Centre culturel ukrainien de Moscou.
«Que penserait Gogol de cela? Russe ou Ukrainien, Gogol n'avait pas besoin de trancher. Il écrivait en 1844: "Je ne sais pas quelle âme j'ai, russe ou ukrainienne. Je ne peux pas accorder ma préférence à l'une ou l'autre des nations. Les deux sont douées largement par Dieu et doivent vivre ensemble dans leur diversité"», rappelle la réalisatrice.
Pour Mme Bonnel, Gogol «donne un indice» que les deux pays ont «une seule civilisation». Elle reste convaincue que «l'analyse de plus d'un millénaire en fait une évidence».
La culture et la gastronomie de la discorde
«Comment ne pas sourire?» s’étonne Anne-Laure Bonnel face aux efforts que déploie l'Ukraine «pour faire reconnaître le bortsch comme une spécialité nationale». Le jeune chef ukrainien Ievgen Klopotenko commentait sur l’AFP: «Je n’aime pas vraiment appeler ça une guerre pour le bortsch, mais en fait c’est ce que c’est.»
«La culture ne peut pas tout, mais elle reste essentielle. Ces maisons de la culture ne devraient-elles pas cesser de se poser en concurrentes et donner l'exemple que l'on peut s'écouter malgré tout? Les œuvres de l'esprit doivent-elles se faire la guerre?» interroge passionnément Anne-Laure Bonnel.
«C’est un message fort de la part de Kiev, celui du déni de la liberté. C’est la fermeture de la liberté d’expression, la fermeture à la culture de l’étranger, de son voisin. C’est la fermeture de la création et de la mémoire», proclame Anne-Laure Bonnel.