«Ce protocole était prévu, donc techniquement, il n’y avait rien de surprenant. Or, on entend très bien Ursula von der Leyen marquer son étonnement et on voit bien qu’elle cherche sa chaise», lance d’emblée Thierry Mariani.
L'excuse du protocole, l'eurodéputé n'y croit qu'à moitié: «en politique, quand on est débordé par les événements, on feint d’en être l’organisateur», explique-t-il. Cet adage traduit pour lui la gêne de Bruxelles vis-à-vis de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler le «Sofagate». Lors de la réunion du 8 avril à Ankara entre le Président turc, Reccep Tayyip Erdogan, Charles Michel, représentant du Conseil européen et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, cette dernière s’est vu offrir une place sur un canapé et non un fauteuil aux côtés des deux autres dirigeants.
Une incompréhension que Bruxelles a justifié par des mesures protocolaires, mais «on voit bien qu’elle ne s’attendait pas à ça», rétorque Thierry Mariani.
Une réaction qui semble montrer que la présidente de la Commission n’a pas été écartée des deux autres dirigeants par un simple malentendu protocolaire. De surcroît, «on sait très bien que dans la région, les autorités sont assises sur des chaises à côté de la puissance invitante, et le fait qu’elle ait été reléguée sur un divan, c’est forcément la mettre au deuxième plan», souligne l’eurodéputé.
Le dictateur #Erdogan humilie encore l’Europe. Aucune place assise ni considération pour la présidente de la commission européenne !
— Eric Ciotti (@ECiotti) April 7, 2021
Où et quand va finir la soumission à l’islamisme ?
J’appelle à la clôture définitive du processus d’adhésion de la Turquie à l'Union européenne. pic.twitter.com/Hx05AqeOlp
Tempête dans un verre d’eau?
Ursula von der Leyen remontée
Cette mesure respecte pourtant bien le protocole, s’est défendu Bruxelles. Lors d’une visite à l’étranger, celui-ci donnerait la préséance au président du Conseil de l’Europe sur la présidente de la commission dans la proximité avec un chef d’État étranger. La diplomatie turque a d’ailleurs renvoyé la balle dans le camp européen, se défendant de toute arrière-pensée politique. Cependant, le même Erdogan a reçu à plusieurs reprises le prédécesseur de Mme von der Leyen, Jean-Claude Junker, à ses côtés, sur un fauteuil.
And no, it wasn’t a coincidence it was deliberate.👇 Why was @eucopresident silent? https://t.co/LvObcyGpmL pic.twitter.com/dLUxuUr5B9
— Sophie in 't Veld (@SophieintVeld) April 6, 2021
«L’UE est humiliée quotidiennement par Erdogan»
Dans les vidéos de la scène, très largement diffusée sur les réseaux sociaux, on distingue effectivement la dirigeante bruxelloise manifester son étonnement de ne pas avoir de chaise près de Charles Michel et Recep Tayyip Erdogan.
«Von der Leyen représente l’instance qui gouverne la vie politique européenne. Ankara sait très bien qui elle est, et pourtant ils ont agi en conséquence. Protocole ou pas, c’est scandaleux», dénonce au micro de Sputnik François Campagnola, juriste et spécialiste des relations entre l’UE et la Turquie.
Pour rappel, le Conseil européen que représente actuellement Charles Michel est une réunion de chefs d’État ou chefs de gouvernement des 27 États membres de l’UE, alors que la Commission européenne est une institution supranationale de l’Union. D’après le député du groupe Identité et démocratie Thierry Mariani, en voulant minimiser l’affaire, Bruxelles tenterait surtout de cacher une réalité géopolitique dont il aurait honte.
«La réaction de Bruxelles ne me surprend pas: l’UE est humiliée quotidiennement par Erdogan. Pour les dirigeants européens, il vaut mieux expliquer qu’ils n’ont pas été humiliés et que cela était prévu à l’avance», estime-t-il.
Misogynie ou provocation, donc? «Dans les deux cas, cela signifie qu’Erdogan impose ses règles. Et dans les deux cas, ce n’est pas acceptable pour les instances européennes», ajoute Thierry Mariani.
«Agenda positif»?
Une lecture que partage l’ancienne élue locale Céline Pina dans les colonnes du Figaro Vox. «Erdogan n’a pas commis une erreur ni une faute, il a posé un acte politique cohérent avec son comportement à l’égard de l’Europe», dénonce-t-elle.
«Il y a une manifestation d’une certaine exaspération contre l’Union européenne. Il y a eu pendant des années une forme d’ambiguïté des Européens, qui se sont assez mal comportés avec la Turquie. Bruxelles leur a fait croire à cette adhésion avant de s’en détourner, il y a un ressentiment turc vis-à-vis de l’Union européenne. Le fait de manquer de respect à Ursula von der Leyen est la traduction de ce ressentiment», estime pour sa part François Campagnola.
Néanmoins, rien ne prouve à ce jour qu’il y a eu une intention délibérée de la Turquie de vouloir humilier la présidente de la commission.
Peu importe, le poids des images est lourd et cette polémique vient entacher une visite qui avait pour but de remettre la relation entre Bruxelles et Ankara sur les rails. Après des années de relations tourmentées, les Européens parlaient même de faire avancer un «agenda positif» avec la Turquie. Symboliquement au moins, cet épisode s’apparente à un faux départ.