L’évènement a été de courte durée, mais symboliquement lourd: deux membres du clergé ont été mis en garde à vue. Ils avaient été signalés comme participants à la messe du samedi saint de l’Église Saint-Eugène-Sainte-Cécile, dans le IXe arrondissement de Paris. Une messe où, selon une vidéo et un témoignage dévoilés par Le Parisien, les consignes sanitaires semblaient bien peu respectées: des fidèles trop proches les uns des autres, recevant l’hostie directement dans la bouche de la part de prêtres non masqués.
Le curé et l’ecclésiastique ont toutefois été relâchés le soir même.
Les abbés de Saint Eugène viennent de sortir de garde à vue.
— Objectif Messe (@MesseObjectif) April 8, 2021
Nous resterons vigilants quand aux suites données à cette affaire.#SoutienSaintEugene pic.twitter.com/CGxUXoVWSI
Une affaire qui met au goût du jour des dilemmes théologiques profonds, entre respect de la foi et des normes en vigueur. Pour l’abbé Guillaume de Tanoüarn, directeur du Centre Saint-Paul et curé de la paroisse voisine, les chrétiens ont toujours entretenu une certaine indépendance à l’égard du pouvoir. Une posture qu’il leur a fallu concilier avec une certaine obéissance, «rendre à César ce qui est à César», souligne l’homme d’Église.
«En même temps, cela n’empêche pas de mettre en cause la politique contre l’épidémie. Cela n’empêche pas de penser que “la guerre” déclarée par Emmanuel Macron est en train d’être perdue par le même Emmanuel Macron. Cela n’empêche pas la liberté de pensée», souligne l’abbé traditionaliste.
Guillaume de Tanoüarn pense que «l’abbé [de l’Église Saint-Eugène-Sainte-Cécile, ndlr] paye pour les autres.» Pour lui, puisque «c’est tout un public qui a refusé le port du masque», il ne s’agit pas de mettre en cause «seulement l’abbé, mais chacun».
Tempête dans un bénitier?
«Je pense que l’abbé ne risque rien au plan civil, parce qu’il n’est pas coupable. Mais je pense que les chrétiens doivent revoir leur perspective face à la politique anti-Covid en accepter ses principes tant qu’ils ne sont pas contraires à leur foi», tempère l’abbé de Tanoüarn.
Le concept du «masque obligatoire» a été sujet à plusieurs modifications administratives depuis un an. Et l’obligation de son port en plein air se propage à coup de déclarations gouvernementales et d’arrêtés préfectoraux: sur la plage, dans la rue des grandes métropoles. Néanmoins, les consignes sanitaires pour les lieux de culte s’alignent largement sur les règles nationales. Le gel hydroalcoolique doit notamment être proposé à l’entrée des églises, le port du masque est obligatoire pour tous à partir de 11 ans et la communion «doit être donnée uniquement sur la main par un ministre porteur d’un masque.»
L’affaire traitée «en interne»
À cela, ajoute l’abbé de Tanoüarn, le gouvernement n’a pas à se mêler de la communion, puisque «ce n’est pas son office».
«C’est l’épiscopat qui se mêle du déroulement des messes. Il donne des consignes qui vont au-delà des consignes données par le gouvernement. Notamment quand il rend obligatoire la communion dans la main», rappelle le directeur du Centre Saint-Paul.
D’après notre interlocuteur, ces instructions font partie du rôle de l’Épiscopat, «de montrer qu’ils sont les meilleurs de la classe», et qu’ils anticipent les risques de contamination.
«On peut leur faire confiance pour le maintien de l’ordre. En cela, ils satisfont la vieille ambition des évêques concordataires, autrement dit des évêques d’État», accuse l’abbé de Tanoüarn, avant de poursuivre: «Traiter avec l’État qui fait des dignitaires religieux des hauts fonctionnaires de l’État, c’est l’idéal de l’Église officielle.»