Saccageparis: «on se moque de l’esthétique de la ville» alors que les autorités sont «dans le déni complet»

© Sputnik . Oxana BobrovitchUne fresque murale sur la Promenade plantée, Paris
Une fresque murale sur la Promenade plantée, Paris - Sputnik Afrique, 1920, 06.04.2021
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Partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux, le hashtag #saccageparis a provoqué l’indignation de la municipalité parisienne. L’équipe d’Anne Hidalgo soupçonne «une campagne de dénigrement orchestrée» par l’«extrême droite» et les «rétrogrades». Les Parisiens répondent par une seconde vague de témoignages sur leur ville «saccagée».

Le hashtag #saccageparis se répand comme une traînée de poudre. Il souligne l’écart qui se creuse de plus en plus entre les images de synthèse des grands projets parisiens et la vision de Paris au quotidien. Surtout, il incite les habitants de la capitale à publier massivement leurs photos sur les réseaux sociaux.

​La Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), plus connue sous le nom de Sites & Monuments, suit l’évolution de l’univers parisien «depuis des années, mais sans le hashtag».

Au micro de Sputnik, son président, Julien Lacaze, juge la dégradation de Paris «incontestable»: «C’est une réalité qu’on ne peut pas nier.» 

La partie visible de l’iceberg

Bien que le président de Sites & Monuments trouve «assez extraordinaire» que le hashtag, dans sa forme linguistique ait l’air d’appeler à «saccager» Paris, il estime qu’il est temps d’engager une campagne de cette ampleur.

«C’est peut-être le bon moment pour le lancement [de #saccageparis, ndlr] parce que ça correspond à un ras-le-bol», confie Julien Lacaze au micro de Sputnik.

​Aux «mobiliers qui vivent mal, les dispositifs de végétation qui ne sont pas harmonisés, une esthétique de récupération avec des palettes» s’ajoute la multiplication des tags.

«Certains tags sont reconnus par la mairie de Paris comme étant des œuvres d’art. Ces faveurs à l’égard [des graffitis], qu’ils qualifient d’art urbain, compliquent leur enlèvement. À la longue, ça contribue à la dégradation d’un quartier», déplore Julien Lacaze.

En période de fermeture des musées, certains projets, comme la Street Art Avenue, une galerie d’œuvres d’art urbain s’étirant au long du canal Saint-Denis, ont pallié un manque dans le domaine culturel. Mais la multiplication de collages sauvages et de taguages clandestins désespère les citadins.

Face à la réaction de la mairie, une seconde vague sur Internet

Face à l’avalanche de publications hostiles à sa gestion du paysage urbain, la mairie de Paris contre-attaque.

​Et cette réponse semble «passionnante» aux yeux du président de Sites & Monuments, puisque la municipalité pêche elle-même par une «surcommunication» sur une «réalité virtuelle qui est substituée au quotidien des Parisiens».

«Les services comm’ sont pléthoriques, ils communiquent beaucoup sur les réseaux sociaux à partir d’images qui ne reflètent pas la réalité: des projets où on vous montre des forêts, de grandes perspectives vertes», détaille Julien Lacaze.

Et pourtant, ce sont ceux qui relaient les images des dégradations que la mairie accuse de «travestir la réalité».

​Mais la force des réseaux sociaux fait que «les petits poucets arrivent à déstabiliser une grosse machine de communication».

«C’est ubuesque! On est dans le déni complet. La réalité virtuelle de la mairie de Paris est pour elle la seule réalité qui existe. Et quand on montre la vraie réalité, en s’emparant des mêmes moyens de communication, elle s’indigne», poursuit le président de Sites & Monuments.

La municipalité soupçonne des politiciens d’extrême droite de mener en sous-main une «campagne de dénigrement». Les élus accusent certaines figures de l’opposition d’y participer. «Peut-être, à l’origine, était-ce une initiative politique, mais les gens s’en sont emparés. Et ça a un sens indéniable, conclut Julien Lacaze. Il suffit de voir certaines photos avant/après.»

​Depuis un certain temps, la couleur politique devient le centre de focalisation des débats municipaux. Jean-Baptiste Olivier, conseiller de Paris (XIIIe) et président du groupe Union de la droite et du centre pour son arrondissement, en a fait la triste expérience.

​«Vous n’aimez pas les pauvres», lui a lancé un élu communiste pour commenter son vœu au conseil municipal de l’arrondissement sur la croissance des incivilités dans le quartier de Tolbiac.

«J’aime les habitants et je souhaite qu’ils vivent dans un cadre de vie acceptable. La réponse de la maire au #saccageparis n’est pas à la hauteur. Au lieu de dire “oui, depuis dix ans, il y a des problèmes et on va les résoudre”, elle accuse les gens de vouloir noircir l’image de la ville», souligne Jean-Baptiste Olivier, au micro de Sputnik.

Paris vu du ciel. Image d'illustration - Sputnik Afrique, 1920, 12.03.2021
Derrière les projets écologistes d’Anne Hidalgo pour Paris, la bétonnisation progresse
Face à cette «image déjà noircie» de Paris, l’élu municipal dresse un constat amer: «Quand on dénonce quelque chose, on a tort. Parce qu’“on n’aime pas les pauvres, on n’aime pas la modernité”… Parce qu’on est “rétrograde” ou “antisocial”.»

«[La politisation du débat] n’atteignait pas ces niveaux sous Bertrand Delanoë. J’ai le sentiment que tout a commencé à se dégrader au moment du changement des kiosques à journaux. Là, je me suis dit: on se moque de l’esthétique de la ville», s’insurge l’élu du XIIIe.

Il n’hésite pas à critiquer l’aménagement de certaines places parisiennes historiques: place de la République, «infâme», ou encore place du Panthéon, jonchée de «morceaux de bois». Tout comme il n’hésite pas à souligner que son arrondissement jouit d’«une nouvelle beauté», parce que les places et les espaces verts «ont étés conçus droits et carrés».

«C’est bien de laisser aux gens la possibilité d’améliorer un pied d’arbre. Le problème, c’est le manque de suivi. Dans le XIIIe, il n’y a plus une grille d’arbre et tout est à l’abandon. Et c’est un choix. Ils laissent les choses se dégrader», conclut l’élu.
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