Le procès fleuve de 517 heures qui a abouti à la condamnation des laboratoires Servier le 29 mars ne signera pas la fin de l’affaire du Mediator. Reconnue coupable de «tromperie aggravée» et d’«homicides involontaires», l’entreprise doit désormais faire face à la colère des mutuelles, déçues de la relaxe prononcée sur le volet «escroquerie» de l’affaire, relate Le Point.
Éric Verrièle, avocat de la Mutuelle générale, a déposé un appel conservatoire en ce sens, ce 1er avril. L’homme de loi espère que le parquet fera lui aussi appel de la décision.
Le tribunal correctionnel de Paris n’avait pas retenu le délit d’escroquerie, estimant que le fait de cacher les propriétés du Mediator n’avait pas eu d’incidence sur l’autorisation de mise sur le marché. Un raisonnement que contestent les mutuelles et caisses d’assurance maladie, mais également Irène Frachon, la pneumologue qui a été l’une des premières à faire le lien entre le Mediator et certaines affections cardiaques et pulmonaires, à la fin des années 2000.
«Je ne comprends pas bien cet argument […]. C'est en prétendant que le Mediator était non pas un simple coupe-faim mais un traitement efficace contre le diabète que les laboratoires Servier sont parvenus à faire inscrire leur produit sur la liste des médicaments remboursés par la Sécurité sociale», déclare-t-elle ainsi au Point.
Une inscription qui a contraint les caisses maladies et mutuelles à rembourser le Mediator, pour un coût qu’elles estiment à entre 500 et 600 millions d’euros. Des sommes versées «indûment» que les organismes entendent toujours réclamer aux laboratoires Servier, après avoir été désavoués en première instance.
La Mutuelle générale pourrait être rejointe dans ses démarches par la Caisse nationale d'assurance maladie et les caisses de Sécurité sociale des indépendants et des agriculteurs, qui envisagent aussi d’interjeter appel, précise Le Point.
Une affaire judiciaire hors norme
Le 29 mars, le verdict du tribunal correctionnel avait marqué la fin d’un procès de 18 mois dans l’affaire du Mediator. Une affaire qui avait éclaté au grand jour en février 2010, avec l’ouverture de deux informations judiciaires. L’objet du délit: la commercialisation par Servier du Mediator, prescrit comme coupe-faim notamment dans les traitements contre le diabète, mais qui s’est avéré provoquer des lésions des valves cardiaques et de l’hypertension artérielle pulmonaire.
Le tribunal a finalement condamné les laboratoires Servier à indemniser les parties civiles à hauteur de 180 millions d’euros, ainsi qu’à une amende de 2,7 millions d’euros pour «tromperie aggravée» et «homicides et blessures involontaires». Le parquet dispose de quelques jours pour faire appel dans ce volet de l’affaire. Une démarche attendue par certains collectifs de victimes. Les ennuis judiciaires de Servier pourraient donc encore se prolonger.
Au total, près de cinq millions de patients ont été traités avec le Mediator entre 1976 et 2009. Le médicament a entraîné entre 1.520 et 2.100 décès, selon l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.
Certains estiment que la défiance des Français vis-à-vis des industries pharmaceutiques, qui s’est récemment vérifiée à propos des vaccins anti-Covid, trouve ses racines dans les scandales à répétition ayant éclaboussé le secteur, et notamment l’affaire du Mediator.