Si le respect des mesures barrières dans la lutte contre le Covid-19 n’est déjà pas la chose la mieux partagée au Cameroun, le discours de certains religieux des églises évangéliques de Réveil perturbe le message des autorités. Dans une correspondance adressée aux gouverneurs des régions, le 24 mars, Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale, faisait le constat selon lequel certains de ces lieux de culte «continuent de véhiculer des messages qui vont à l’encontre» des instructions du gouvernement pour barrer la voie à la maladie.
«Certains pasteurs interdisent à leurs fidèles le port du masque, d’autres rejettent le protocole de traitement validé par le gouvernement. D’autres encore, dans une forme de charlatanisme, prétendent que le coronavirus n’existe pas et que, même si cette maladie existerait, il suffirait d’élever des prières pour s’en prémunir», déplore le ministre.
Le miracle contre la science… et la loi!
Dans sa lettre, le ministre instruit aux autorités locales «la fermeture systématique des églises dont les pasteurs tiennent des discours contraires aux mesures édictées par le gouvernement en vue de freiner la propagation du Covid-19».
«Les pasteurs devront en outre être interpellés pour répondre de leurs actes devant les juridictions compétentes», prévient Paul Atanga Nji.
En effet, depuis l’apparition des premiers cas de Covid-19 au Cameroun, sur les conseils de leur gourou ou au nom de leur intime conviction, certains fidèles de ces églises se livrent de plus en plus à des comportements invraisemblables. En août 2020 par exemple, trois candidats, ayant refusé de se soumettre à l’obligation de porter un masque de protection, sur les consignes de leur pasteur, ont été recalés à un examen national au Cameroun. Ce dernier leur aurait interdit d’arborer le masque qu’il considère comme «un gadget du diable». Dans la même veine, de nombreux Camerounais présentant les symptômes du Covid-19 sont décédés à leur domicile, fuyant les hôpitaux ou refusant de se faire dépister. Une attitude enhardie par les prêches de leur pasteur.
«Le discours des pasteurs peut être considéré comme étant en accord avec les croyances des ouailles. Il est évident que les Camerounais ne respectent pas déjà les mesures barrières. Donc ce discours vient s’ajouter à un scepticisme nourri par la théorie du complot sur la maladie et même son vaccin. Inversement, dans d'autres cas, c'est la propension à croire que les maladies sont un châtiment divin qui pousse certains à ne pas être dans la prévention ou à ne pas se faire soigner», analyse l'universitaire au micro de Sputnik.
«C’est dans tout le Cameroun que les mesures barrières sont foulées aux pieds. Mais il faut faire l’effort de respecter les décisions des dirigeants parce que la Bible dit que toute autorité est établie par Dieu. Nous faisons des cultes avec 50 personnes malgré la grandeur de notre salle. Je ne suis pas au courant s’il y a des églises qui ne respectent pas les consignes sanitaires. Néanmoins, cette note ministérielle ne doit pas seulement être focalisée sur les églises. Il faut aussi sanctionner les bars et autres lieux publics où les mesures barrières sont littéralement piétinées», soutient le religieux camerounais.
Explosion des contaminations
Si le discours de certains gourous agace Yaoundé, c’est aussi parce que depuis peu le Cameroun fait face à une flambée des cas de contamination. D’ailleurs, le gouvernement a décidé de réactualiser des mesures de restrictions appliquées en mars 2020 au plus fort de la pandémie.
Le Covid-19 est toujours là, ne baissons pas les bras. Respectons les mesures barrières et portons nos masques en sortant de chez nous. Protégeons nous, protégeons nos familles et protégeons les autres, en vue de continuer à construire notre cher et beau pays le Cameroun
— Dr MANAOUDA MALACHIE (@DrManaouda) March 28, 2021
Le 5 mars, le Premier ministre Joseph Dion Ngute a fait le point sur la situation sanitaire tout en appelant à la vigilance. Fin février, le pays enregistrait plus de 3.000 nouveaux cas de personnes testées positives et 37 décès en une semaine, soit le double des 1.600 contaminations et plus de cinq fois le nombre de décès enregistrés pendant tout le mois de janvier. Le Cameroun compte à ce jour plus de 47.000 cas pour environ 720 morts, faisant du territoire l’un des plus touchés d’Afrique subsaharienne depuis le début de la pandémie.