«Réouverture progressive» en mai: le nouveau pari intenable du gouvernement?

© REUTERS / Yoan Valat/Pool via REUTERSEmmanuel Macron et Olivier Véran lors de la visite de l’hôpital intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye
Emmanuel Macron et Olivier Véran lors de la visite de l’hôpital intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye - Sputnik Afrique, 1920, 01.04.2021
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Très attendu, le discours d’Emmanuel Macron n’a pourtant pas livré beaucoup de surprises. Le Président a néanmoins laissé entrevoir une date de sortie de crise, ce qu’il n’avait pas fait depuis novembre. Comptant sur l’accélération de la vaccination, le gouvernement espère un retour aux activités du quotidien d’ici à un mois. Un délai crédible?

«Le choix de la confiance.» C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a justifié, jeudi 31 mars, sa décision de ne pas opter pour un confinement plus strict et de ne pas recourir aux attestations en journée. Pourtant, il en faudra sans doute davantage pour redonner aux Français «confiance» en l’avenir. Car les perspectives d’un retour à la normale n’ont fait que s’éloigner depuis le début de l’année… jusqu’à ne plus exister du tout. Qu’à cela ne tienne, le Président s’est une nouvelle fois risqué à avancer une date de sortie de crise.

«À partir de mi-mai, on pourra retrouver les lieux de rencontre, de culture, les restaurants, les cafés», a donc déclaré Emmanuel Macron lors de son adresse aux Français.

Un pari pour le moins risqué, si l’on observe la situation actuelle, «globalement plus tendue que lors de la deuxième vague», explique le Dr. Christian Rabaud, joint par la rédaction.

Un jour sans fin

 «Selon les propos du ministre de la Santé, l’incidence va encore monter dans les dix jours à venir, la tension ira croissant donc pendant encore au moins 15 jours à l’hôpital, ce qui donne un pic au 25 avril. Le temps que les choses redescendent, l’état de saturation sera encore là au 15 mai», craint le professeur de médecine et infectiologue au service de maladies infectieuses et tropicales du CHRU de Nancy. En définitive, celui-ci n’est guère optimiste quant à un allègement de court terme:

«Une réouverture significative des lieux de culture et des terrasses de café ne paraît pas envisageable tout de suite», affirme-t-il.

Ce ne serait pourtant pas la première fois que le gouvernement se montre un brin confiant sur l’issue de la crise. Le 24 novembre 2020, soit près d’un mois après l’annonce du deuxième confinement, le Président de la République misait publiquement sur le 20 janvier pour un début de reprise des bars et restaurants. Hélas, le 4 janvier, le gouvernement reportait déjà l’échéance, sans même attendre d’observer l’impact des fêtes de fin d’année. Puis, le 1er mars, le chef de l’État demandait cette fois aux citoyens de «tenir quatre à six semaines», se gardant bien de donner une date précise.

Sauf, que les «quatre semaines» sont passées et que le confinement repart pour quatre autres semaines, au moins. De quoi donner le sentiment d’un jour sans fin à toute une population.

Le calendrier vaccinal seul décideur?

Mais, alors que l’OMS a pointé cette semaine une «lenteur inacceptable» dans le déploiement des vaccins en Europe, l’exécutif semble bien décidé à corriger le tir et rattraper son retard. Pour ce faire, il compte sur la livraison prochaine de 13 millions de doses rien que pour le mois d’avril, soit près du double des dernières quantités mensuelles. Et alors que 17 millions de doses supplémentaires doivent être également fournies en mai, la question de l’impact immédiat se pose.

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Avec un peu plus de 21 millions de vaccinés d’ici à mai –en comptant les 8,5 qui ont déjà reçu au moins une dose–, aurons-nous une immunité suffisante pour envisager rouvrir des lieux dont le potentiel de contamination est jugé élevé?

L’ajout de la dizaine de millions de doses supplémentaires administrées courant mai sera déterminant. Selon le professeur Rabaud, la fourchette de 30 millions de personnes vaccinées pourrait alors être atteinte d’ici à juin/juillet, permettant à ce moment-là de lever progressivement les restrictions.

«L’immunité collective avec les vaccins, ça, je veux bien y croire. À partir du moment où 30 millions de personnes seront vaccinées, on pourra effectivement voir une réelle amélioration cet été et rouvrir doucement. Reprendre une activité quasi-normale à l’automne me paraît déjà plus envisageable.»

À titre indicatif, l’injection de 567.678 doses quotidiennes serait nécessaire pour vacciner l'ensemble de la population adulte d'ici à août 2021. Or durant les dernières 24 heures, seulement 240.000 doses ont été injectées. Une tendance qui menace aussi le deuxième pari formulé par le Président, à savoir que «d’ici à la fin de l’été, tous les Français de plus de 18 ans qui le souhaitent pourront être vaccinés».

Petit espoir pour faire mentir les sceptiques: l’installation d’importants dispositifs de vaccination, notamment de vaccinodromes –de vastes centres de vaccination massive. Ceux-ci devraient permettre de vacciner chacun entre 1.000 et 2.000 personnes par jour.

 «En même temps» macronien

«Vacciner, vacciner, vacciner», a martelé Emmanuel Macron lors de son allocution. «Les efforts d'avril plus la vaccination, c'est la tenaille pour contenir ce virus», a-t-il a aussi précisé.

Pourtant, les velléités présidentielles semblent déjà compromises. De fait, les moins de 50 ans ne pourront se faire injecter une première dose qu’à partir de la mi-juin, a spécifié le Président.

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Ainsi, les efforts envisagés pour avril sembleraient d’ores et déjà trop légers pour permettre une sortie de crise imminente, à en croire les médecins qui affirment qu’il fallait plutôt frapper fort une bonne fois et reconfiner le pays. A contrario, Emmanuel Macron semble avoir –encore– opté pour l’«en même temps» régulièrement critiqué par ses détracteurs. En l’occurrence, le chef de l’État aurait tenté de concilier les partisans du confinement et les citoyens revendiquant un espace de liberté minimum.

Un choix politique susceptible de décevoir au plan sanitaire:

«Je reste très dubitatif sur ce confinement qui n’en est pas vraiment un mais qui consiste plutôt en des mesures supplémentaires. Même si les écoles ferment et que cela aura peut-être une efficacité, celle-ci n’a pas encore été testée», juge, dubitatif, le Dr Christian Rabaud.

À moitié libres et confinés, les Français devront, en même temps, croiser les doigts.

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