668.800 décès, soit 55.500 de plus qu’en 2019. Une hausse de la mortalité de 9,1%, jamais vue en France depuis 1949. C’est ce que dévoile une publication parue le 29 mars de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Ainsi la pandémie a-t-elle eu une forte incidence sur la mortalité et l’espérance de vie des Français.
En 2020, 668 800 #décès sont survenus toutes causes confondues, soit 55 500 de plus qu’en 2019 (+ 9,1 %). La France a connu deux vagues de décès en 2020, au printemps et à l’automne #mortalité 👉 https://t.co/osRFSkHziH pic.twitter.com/NjFBWBeC5y
— Insee (@InseeFr) March 30, 2021
L’augmentation est d’ailleurs particulièrement importante pour les personnes de 65 ans ou plus, dont le nombre de décès en 2020 est supérieur de 54.000 par rapport à 2019, soit une hausse de 10,5%, note l’institut. Pour l’INSEE, il n’y aucun doute: «L’épidémie de Covid-19 a eu un impact fort sur la mortalité», notamment «lors de la première vague, en mars et avril, puis lors de la deuxième vague, à partir d’octobre.»
Du jamais vu depuis 70 ans en France
La démographe France Meslé, chercheuse à l’Institut national d’études démographiques (INED), rappelle que les résultats de l’INSEE sont une balance entre les décès réputés dus au Covid-19, et certains qui ont été évités grâce aux mesures de confinement.
«Le plus emblématique par exemple, ce sont les accidents de la circulation. En revanche, d’autres causes de mortalité, notamment infectieuses, ont également pu être évitées avec les mesures barrières», décrit-elle
C’est le cas notamment de la grippe. Le bilan de la saison grippale 2019-2020, publié en octobre dernier par Santé publique France et cité par l’AFP, faisait état de 3.680 décès. Un chiffre bien inférieur à la moyenne d’environ 10.000 décès par an sur la période 2010-2019. France Meslé pointe également un possible «léger sur-comptage» des morts liés au Covid-19 au début de l’épidémie. «Les tests n’étaient pas forcément faits systématiquement sur tous les cas. Peut-être que lorsqu’il y avait un premier cas testé positif, les décès qui suivaient dans le même EHPAD étaient étiquetés Covid-19, sans qu’on l’en soit complètement certain», avance la démographe.
Les deux vagues de surmortalité ont eu lieu au printemps et à l'automne 2020. Leur ampleur respective peut être comparée aux vagues de surmortalité des 5 années précédentes toutes liées à une épidémie de #grippe saisonnière particulièrement meurtrière.
— Ined (@InedFr) March 17, 2021
5/8 pic.twitter.com/o0Ppjl9HvO
En outre, comme l’explique la chercheuse, les effets du vieillissement de population et des comorbidités ont aussi joué un rôle dans cette surmortalité. «On a une augmentation du nombre de décès prévisibles, parce que les personnes d’un certain âge deviennent de plus en plus importantes. Même si la mortalité reste stable, voire diminue, comme il y a plus de personnes âgées, on a mécaniquement une augmentation», détaille-t-elle.
«Il y a une petite proportion, pour l’instant on n’a pas le moyen de savoir exactement laquelle, de personnes très fragiles qui seraient décédées de leurs comorbidités, soit d’une autre infection intercurrente, même sans le Covid-19», analyse France Meslé.
Ainsi dans son rapport «Population & Sociétés», co-réalisé avec Gilles Pison, professeur au Muséum national d’histoire naturelle et chercheur associé à l’INED, les deux auteurs écrivent-ils que 13.000 décès sont dus au «vieillissement de la population qui s’observe chaque année en l’absence de gain d’espérance de vie.»
Une tendance irréversible?
Si France Meslé concède qu’il est compliqué de faire des prévisions, elle se veut néanmoins rassurante: «si l’épidémie s’arrête et qu’il n’y en a pas une nouvelle qui arrive, on devrait retrouver des niveaux de mortalité et d’espérance de vie tout à fait équivalents, voire supérieurs à ceux de 2018 et 2019.» Et pour cause, la tendance sur le long terme est au progrès: entre 1950 et 2019, le taux de mortalité est passé de 13,2 décès pour 1.000 habitants à 9,4. Sur la même période, l’espérance de vie a augmenté de seize années, selon des données de l’INED. Des chiffres qui stagnent toutefois depuis une dizaine d’années.
«C’est vraiment un effet conjoncturel», indique France Meslé. «Certains pensent même qu’il peut y avoir parfois un rebond plus important par rapport à la tendance générale grâce à l’effet de moisson.»
En clair, lorsque survient une crise sanitaire comme celle du coronavirus, elle touche d’abord les plus fragiles, ceux qui y survivent sont donc sélectionnés comme étant les plus robustes, détaille la démographe. Ce qui a pour incidence de faire baisser «artificiellement la mortalité» les années suivantes «parce que l’on a un effet d’une sélection d’une population plus résistante.» Un effet qui s’atténue dans le temps pour enfin disparaître.