Malgré les controverses, les lanceurs de balles de défense (LBD) ne disparaîtront pas. CheckNews a attiré l’attention sur un récent appel d’offres émis par le ministère de l’Intérieur pour renouveler leur stock de munitions.
Le site de vérification se réfère à un appel du 14 mars publié dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics (Boamp) pour la «fourniture de munitions cinétiques de défense unique (MDU) de calibre 40 mm au profit des forces de la sécurité intérieure.»
Ces deux lots sont divisés en «munitions de défense unique» et «munitions de défense marquante visible». Le journal souligne que les «quantités estimatives sur quatre ans» comprennent 160.000 munitions classiques et 10.000 «marquantes».
Rapport d’un député inquiété
«S’il faut 15 jours, ou un mois pour se réapprovisionner en ces munitions, ce n’est pas très compréhensible qu’on en commande autant à la fois… À moins que ça fasse baisser les coûts de manière drastique? Mais s’il faut six mois pour se réapprovisionner, on peut comprendre qu’il y ait une réserve de précaution», commente Jérôme Lambert, député PS et rapporteur de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le maintien de l’ordre.
Pour ce dernier, une telle quantité est «incompréhensible».
«Malgré ces tentatives d’amélioration des conditions d’emploi du LBD – qui doivent encore apporter la preuve de leur efficacité –, votre rapporteur est sensible aux nombreux incidents survenus lors d’opérations de maintien de l’ordre et préconise d’interdire l’usage du LBD pour cibler un individu dans une foule de manifestants», a-t-il écrit dans son rapport du 20 janvier 2021. Il admet toutefois que «les LBD doivent donc demeurer utilisables immédiatement lorsque les forces de l’ordre encourent un grave danger ou font face à une émeute.»
Darmanin refuse
Selon les informations de CheckNews, Gérald Darmanin a répondu aux auteurs du rapport en s’opposant à la proposition de restreindre l’usage des lanceurs de balles de défense lors des manifestations. Il aurait argué que le nouveau schéma systématise depuis septembre la présence d’un superviseur lorsqu’un tir a lieu dans ce cadre.
Autre argument, «une baisse significative du nombre de tirs de LBD au maintien de l’ordre depuis la mise en place de cette supervision obligatoire.» Depuis septembre dernier, selon le ministre de l’Intérieur, «seuls 24 tirs de LBD par les forces de l’ordre ont été recensés» lors des sept dernières grandes manifestations à Paris.
Le ministre souligne encore dans un courrier de réponse une diminution tendancielle des tirs de balles de défense: «1.975 tirs de LBD par les forces de sécurité intérieures ont été recensés en 2018, 480 en 2019 et 85 en 2020».
Le média cite de plus le dernier rapport d’activité (2019) de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Le texte indique une «nette baisse de l’usage du LBD avec 10.785 tirs en 2019 contre 18.976 en 2018 (-43%)» au niveau national. L’instance l’explique par la naissance du mouvement des Gilets jaunes et celui des lycéens en 2018, alors que la médiatisation des blessures provoquées par les LBD en 2019 a contribué à la baisse de son utilisation. Les données de 2020 ne sont pas encore disponibles.
Une arme très critiquée
Ce refus du ministre de l’Intérieur a eu lieu en dépit des critiques visant cette arme.
En février 2019, au sein du Parlement européen, les eurodéputées ont adopté une résolution condamnant l’usage «disproportionné» des LBD par les forces de l’ordre de certains pays membres de l’Union, sans désigner directement la France où de nombreuses personnes en ont été victimes lors des manifestations de Gilets jaunes.
Le même mois, la Ligue des droits de l’Homme, qui avait déjà déposé à plusieurs reprises des demandes de suspension de l’utilisation de cette arme, a de nouveau saisi le Conseil d’État qui les a toutes rejetées.
En mars, 35 ophtalmologistes de renom ont rédigé une lettre ouverte à Emmanuel Macron dans laquelle ils l’ont appelé à instaurer un «moratoire dans l’utilisation» des LBD, à l’origine de multiples éborgnements en marge des défilés de Gilets jaunes.