«Freiner sans enfermer», «Chacun chez soi, prudent dehors», «Dedans avec les miens, dehors en citoyen»… C’est le dernier slogan qui aura finalement obtenu les faveurs de Jean Castex. Dans un article du 23 mars, Le Parisien raconte la longue hésitation du Premier ministre quant à la meilleure formule de communication pour «lever l’ambiguïté». Objectif: remettre un peu de clarté dans les esprits embrumés par l’enchaînement des couacs qui ont suivi l’annonce de nouvelles contraintes sanitaires jeudi 18 mars. L’emploi puis le rejet du mot «confinement», l’annulation en catastrophe de la première attestation ou encore les propos embrouillés sur les réceptions à domicile avaient semé le doute et la confusion.
Dedans avec les miens, dehors en citoyen. pic.twitter.com/uEQkgoUE7f
— Jean Castex (@JeanCASTEX) March 22, 2021
Rien n’y a fait, le slogan retenu a été raillé sur les réseaux sociaux et même par une partie de la classe politique. «Ce n’est pas tant le slogan qui est ridicule, il y en a eu bien d’autres avant de la même gamme publicitaire», nuance Arnaud Benedetti à notre micro. Ce qui attriste davantage ce professeur d’histoire de la communication à la Sorbonne, c’est la déclinaison dans le document publié par le gouvernement de «petits pictogrammes» et de «tout un tas de recommandations, voire d’interdits totalement infantilisants». La marque de fabrique selon lui d’un pouvoir exécutif qui se veut «pédagogique et didactique» quand il se condamne à rester «administratif et bureaucratique».
Surveiller et punir
Le grief n’est pas nouveau. Il a ponctué l’actualité depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire le 23 mars 2020. Et il a accompagné les mesures restrictives prises dans la foulée. Le gouvernement a été accusé à plusieurs reprises de régenter la vie privée de chaque citoyen. Et d’infantiliser les Français dans leurs choix personnels.
1 français sur 5 pense qu'on ne retrouvera jamais la vie d'avant... Ont-ils raison ?
— Les Grandes Gueules (@GG_RMC) February 18, 2021
🗣️ @MaximeLledo : "Est-ce qu'on va réussir à se détacher de l'intrusion de l'Etat dans notre vie privée ? Les ministres vont-ils continuer de nous infantiliser ?" #GGRMC pic.twitter.com/3mi8XMWF1z
Pour Arnaud Benedetti, le cafouillage gouvernemental de la semaine passée en est la parfaite illustration.
«Il y a eu la séquence administrative avec la fameuse attestation où on vous parle comme à des administrés et où l’on vous traite en sujets. Ensuite, Jean Castex dégaine son slogan avec sa petite affichette pour s’adresser aux Français comme à des enfants. Jamais comme à des citoyens!» s’emporte le rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire.
Dernier exemple en date, le renoncement aux repas de famille et à la chasse aux œufs pour le week-end de Pâques prôné par le Premier ministre dans les colonnes du Parisien. Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait déjà annoncé la couleur à la suite du tour de vis du jeudi 18 mars. «Vous ne pouvez pas inviter chez vous des personnes pour un dîner, ni pour un déjeuner», avait-il déclaré trois jours plus tard sur BFMTV. Précisant dans la foulée que la police ne pouvait néanmoins faire irruption dans les foyers pour constater la violation des consignes.
Gabriel Attal (@GabrielAttal): "Ce n'est pas un confinement" pic.twitter.com/VqfX4f3PAC
— BFM Business (@bfmbusiness) March 21, 2021
Une «recommandation» et non une «interdiction», avait dû préciser le ministère de l'Intérieur auprès de la chaîne. «Pourquoi formuler toutes ces injonctions comme des interdits et non pas sous forme de conseils?» déplore Arnaud Benedetti.
«Plus un État est faible plus il est intrusif»
Les mesures restrictives prises par le gouvernement se justifient depuis le début de la crise en raison de la circulation toujours active du Covid-19. Un argument infondé selon notre interlocuteur pour qui «l’incapacité à faire baisser la pression épidémique et hospitalière» a plutôt à voir avec «le manque de moyens actuels».
Gabriel Attal (@GabrielAttal): "Ce n'est pas un confinement" pic.twitter.com/VqfX4f3PAC
— BFM Business (@bfmbusiness) March 21, 2021
Et Arnaud Benedetti de rappeler les ratés du gouvernement: l’absence de stocks de masques, la suppression maintenue des lits d’hôpitaux, la stratégie vaccinale... Autant d’incriminations récemment rappelées par la Cour des comptes dans son rapport annuel.
«Le discours culpabilisant du gouvernement cherche à faire reposer en grande partie la situation actuelle sur le dos des Français pour s’exonérer de ses responsabilités. Or la société n’a pas à constituer une variable d’ajustements aux manques et insuffisances de l’État», précise l’universitaire.
Pour notre interlocuteur, l’immixtion du gouvernement dans la vie privée de chaque citoyen a donc plus à voir avec des problèmes structurels de l’État qu’avec le risque épidémique. «Plus un État est faible, plus il est intrusif», ajoute-t-il à notre micro, tout en s’inquiétant d’«une atteinte grandissante aux libertés publiques à laquelle s’accoutument les Français».
«Avec la peur et la pression épidémique nous endurons aujourd’hui des restrictions qui nous auraient révoltés naguère. Il y a dix ans, personne n’aurait toléré ce que nous vivons! Jusqu’à quand cela sera-t-il toléré? C’est toute la question», s’interroge-t-il avec une pointe de déception.
L’étude Odoxa/Backbone Consulting pour Le Figaro et France Info en date du 19 mars 2021 révélait, elle, un recul de l’acceptabilité du reconfinement parmi les Français des départements concernés.