À un mois du début du ramadan, les prix des produits alimentaires connaissent une flambée en Algérie, suscitant la colère des consommateurs. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer cette situation, notamment concernant l’huile de table et le poulet.
En effet, outre la perturbation des réseaux de distribution nationaux, l’augmentation des prix des matières premières sur les marchés internationaux est la principale, selon plusieurs opérateurs économiques publics et privés, le tout avec la crise économique engendrée par la pandémie de Covid-19 en toile de fond.
Par ailleurs, dans le contexte de la dépréciation de la monnaie nationale, la question d’une possible spirale inflationniste frappant l’économie du pays se pose. À ce propos, il y a lieu de rappeler que des spécialistes avaient mis en garde contre ce danger il y a déjà plusieurs semaines.
Ainsi, pour comprendre ce qui se passe sur le marché algérien, Sputnik a sollicité le Dr Abdelrahmi Bessaha, ancien fonctionnaire au Fonds monétaire international (FMI) et expert international en macroéconomie et gestion de crises. Selon le Dr Bessaha, plusieurs raisons concourent à cette flambée des prix de produits alimentaires.
La croissance économique a chuté de «10%»
«En mars 2020, l’économie algérienne, déjà déséquilibrée par la mauvaise gestion de la crise engendrée par la chute du prix du pétrole en 2014, a subi deux chocs extérieurs violents liés à la pandémie de Covid-19 et au prix bas de l’or noir qui l’avaient plongé dans la récession», expose l’expert qui précise que dans ce contexte, «la croissance économique du pays s’est contractée de -10% en raison du recul des activités dans tous les secteurs, à l’exception de l’agriculture».
Dans le même sens, en plus des facteurs saisonniers (ramadan), le Dr Bessaha déplore «la grande faiblesse du stimulus fiscal [cinq milliards de dollars, ndlr] décidé lors de l’adoption de la loi de finances complémentaire de 2020, alors que la marge de manœuvre du gouvernement était énorme», ce qui a aggravé le recul des investissements et de la production nationale conjuguée à «une baisse des importations […]. À ceci s’ajoute le dérèglement des circuits de distribution de marchandises, ce qui a favorisé la spéculation et les pratiques illicites».
De plus, l’ex-cadre du FMI pointe une «contraction de la masse monétaire de 7%, le creusement du déficit du budget qui a atteint 15,3 % du PIB (9,5 % en 2019), l’accroissement du déficit du compte courant de la balance des paiements qui a atteint 16,3 % du PIB (9,9 % en 2019) et la réduction des réserves internationales de change à 43,8 milliards de dollars (contre 63,8 milliards de dollars à fin 2019)».
Enfin, le Dr Abdelrahmi Bessaha souligne un «glissement de 9% de la valeur de la monnaie nationale et l’écart de près de 50% entre le taux officiel et le taux parallèle».
Que faire pour résorber cette situation?
Partant de ce constat, le Dr Bessaha explique que «vu les aspects structurels, monétaires, extérieurs et réels qui sous-tendent l’évolution des prix en Algérie et en l’absence de plan de relance solide pour contrer la récession, la tendance prévisionnelle est celle d’une hausse des prix à la consommation entre 2021-2023».
Dans ce contexte, «il est attendu une remontée de l’inflation qui devrait se situer à entre 5,5 et 6,5% entre 2021 et 2023», contrairement aux projections «inexplicables des autorités qui prévoient un taux d’inflation irrégulier qui passera de 4,5% en 2021 à 4% en 2022 et 4,7% en 2023».
Dans le but d’aider à résorber ce problème qui pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur la stabilité du pays avec une résurgence de la contestation populaire, Abdelrahmi Bessaha propose «d’actualiser l’actuel Indice des prix à la consommation (IPC), notamment à la faveur du récent recensement général de la population, de réformer le système actuel des subventions qui sont coûteuses, inéquitables et inefficaces et d’actualiser le système de prix et de marges réglementés».
En conclusion, le spécialiste estime qu'«un plan courageux de réformes structurelles de l'économie algérienne en termes de macroéconomie, est nécessaire pour remettre le pays sur la voie de la croissance, surtout que des marges de manoeuvres existent du la taille du PIB potentiel d’environ 500 à 600 milliards de dollars».