Tout un symbole: le premier jour de son mandat, Joe Biden s’est empressé de signer un décret ordonnant la suspension du mur frontalier avec le Mexique. Par la même occasion, le Président démocrate a divulgué son plan de réforme migratoire. L’objectif: régulariser la situation des «dreamers», ces 700.000 personnes arrivées clandestinement aux États-Unis alors qu’elles étaient mineures.
Détention d’enfants à la frontière: au tour des Démocrates
Le 18 mars dernier, la Chambre des représentants a voté en faveur de la régularisation de ces «dreamers», mais la mesure a peu de chances d’être approuvée au Sénat. Face au déferlement migratoire, les élus républicains campent sur leurs positions alors qu’il manque dix voix aux Démocrates pour valider le texte. Le long du tracé avec le Mexique, 14.000 enfants migrants sont actuellement sous la responsabilité de l’État fédéral, selon CNN.
Accusé d’avoir provoqué cette situation, le Président démocrate essuie de nombreuses critiques. Rappelons que, durant le mandat de Donald Trump, la détention d’enfants séparés de leurs parents avait soulevé un vent de controverse un peu partout dans le monde.
Sous la pression, le secrétaire américain à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, a répété que les autorités procédaient à des expulsions:
«Notre message est clair: la frontière est fermée», a martelé Mayorkas. «Nous expulsons des familles, nous expulsons les adultes qui arrivent seuls et nous avons pris la décision de ne pas expulser les jeunes enfants vulnérables. […] Nous travaillons nuit et jour pour déplacer ces enfants des centres à la frontière vers des refuges gérés par le ministère de la Santé. Ces camps de détention ne sont pas des endroits pour les enfants», a-t-il poursuivi.
Experte du phénomène migratoire au Mexique et aux États-Unis, Cecilia Imaz estime que les Démocrates ne devaient pas «gaspiller le capital social» qu’ils avaient réussi à gagner en faveur des sans-papiers. Elle salue donc le vote en faveur de la régularisation des «dreamers» à la Chambre des représentants.
De faux espoirs pour les migrants?
Toutefois, l’Administration Biden aurait dû être mieux préparée aux «effets immédiats» de ses gestes, estime la professeure retraitée de l’Université nationale autonome du Mexique:
«C'était prévisible, compte tenu des coups bas que Trump a assenés aux migrants. Maintenant, la grande majorité des demandeurs d’asile qui avaient été bloqués au Mexique auront une autorisation d’entrée pour déposer un dossier ou attendre le résultat de leur démarche», explique-t-elle en entrevue avec Sputnik.
Selon Cecilia Imaz, les autorités «se servent maintenant du prétexte du Covid-19 pour détenir les migrants» à la frontière, enfants comme adultes.
«L'installation d'un gouvernement démocrate a créé des espoirs immédiats. Plusieurs migrants pensent qu’ils ont une chance d'être acceptés aux États-Unis. Ils prennent des décisions précipitées, alors que les processus du Congrès restent très lents», déplore-t-elle.
Dans la tourmente, Joe Biden a encouragé les migrants à ne pas tenter de se rendre aux États-Unis et envisagé publiquement de se rendre sur le terrain.
«Nous allons nous assurer de rétablir ce qui existait auparavant, à savoir qu'ils [les migrants, ndlr] peuvent rester chez eux et faire leur demande depuis leur pays d'origine», a insisté le Président démocrate le 21 mars.
Malgré une situation qui se détériore de jour en jour, l’Administration Biden refuse toujours de parler d’une «crise» migratoire. «C’est davantage une continuation de la crise migratoire déjà en cours qu’une nouvelle crise en tant que telle», tranche quant à elle notre interlocutrice.
«Une grande majorité des migrants sont toujours des Centraméricains et les caravanes continuent de se former. Toutefois, beaucoup seront stoppés et détenus dans des pays d’Amérique centrale avant d’atteindre la frontière nord. D’autres seront interceptés au Mexique», précise l’ancienne universitaire.
De son côté, l’ex-Président Donald Trump a déploré de voir son successeur adopter selon lui une approche beaucoup plus souple envers les migrants. «Notre pays est en train d'être détruit à la frontière sud», a-t-il averti.