«L’Algérie souffre d’une culture misogyne qui tend à disqualifier les femmes»

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Manifestantes algériennes. Image d'illustration - Sputnik Afrique, 1920, 15.03.2021
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Dans un entretien à Sputnik, le Dr Ibtissem Hamlaoui, présidente du Forum Cœur d’Algérie, décortique les raisons sociologiques de l’atteinte à la vie privée des femmes sur le Net, dont la dernière a visé une actrice. Elle identifie les moyens d’y faire face, tout comme le sénateur Benzaim qui souligne la nécessité d’une commission judiciaire.

La semaine dernière, une vidéo intime de l’actrice algérienne Bouchra Okbi a été massivement partagée sur les réseaux sociaux, suscitant un tollé dans le pays en raison de la grave atteinte portée à sa vie privée et familiale.

Elle-même victime d’une attaque de la même nature sur Facebook la semaine dernière, le Dr Ibtissem Hamlaoui, spécialiste en chirurgie cardiovasculaire et présidente du Forum Cœur d’Algérie (FCA), livre son témoignage sur «ce fléau qui a gagné la société d’une manière inquiétante et qui tend à devenir même une arme servant à éliminer des adversaires politiques».

Par ailleurs, alors que le gouvernement algérien a durci en 2020 les dispositifs de la loi sur la diffusion de fake news ou l’atteinte à la vie privée des citoyens, le sénateur Abdelouaheb Benzaim présente dans une déclaration à Sputnik sa proposition de créer une commission judiciaire spécialisée dans la lutte contre ce genre de délits sur Internet.

«Ce qui est inquiétant, c’est surtout la vitesse de propagation» de la vidéo

«C’est vraiment navrant de voir à quel point un bon nombre d’Algériens ont renoncé à leur honneur et leur dignité humaine en trainant dans la boue la réputation d’une femme [Bouchra Okbi, ndlr] et mère de famille, sans penser un instant aux graves préjudices que cette vidéo pourrait lui porter à elle, à ses enfants, à son mari, à ses parents et à toute sa famille», s’indigne le Dr Hamlaoui, soulignant que «ce qui est inquiétant dans cette affaire, c’est surtout la vitesse de propagation de cet enregistrement sur les réseaux sociaux qui a pris comme le feu dans la paille».

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Elle ajoute que «moi-même j’ai été également victime d’une même attaque via une vidéo grossièrement montée de toutes pièces, juste dans le but de m’éliminer politiquement à l’approche des élections auxquelles j’espère participer avec un vrai projet porteur de solutions aux graves problèmes dont souffre le pays».

Dans le même sens, la présidente du FCA explique que «l’Algérie, tout comme tous les autres pays arabes et musulmans, mais également ailleurs, souffre d’une culture misogyne qui tend à disqualifier les femmes dès qu’elles pointent leur nez dans la chose publique, notamment politique».

«Sachant que près de la moitié de la population algérienne est constituée de femmes, dont une bonne partie sont hautement diplômées dans divers secteurs scientifiques et d’ingénierie, comment ceux qui ne veulent pas de la gent féminine dans la sphère publique comptent développer le pays en excluant déjà 50% de la force active?», se demande-t-elle.

«La loi existe, mais il faudrait un accord avec Facebook»

Concernant la politique répressive du gouvernement algérien à l’égard des fake news et de toutes sortes de désinformation qui portent atteinte à la vie privée des citoyens, Mme Hamlaoui souligne que «la loi existe depuis 2006 et ses dispositions répressives à l’égard de ce genre de crimes ont été renforcées en 2020».

Informant avoir déposé plainte et que le propriétaire de la page Facebook qui a diffusé la vidéo a été identifié, elle souligne cependant que «les services de la police en cybercriminalité n’ont pas pu exiger de ce réseau social de la supprimer».

La raison, selon elle, tient au fait que le «compte en question est domicilié au Canada, et comme Facebook n’a pas de représentant en Algérie, les services de police ne peuvent pas exiger directement la suppression de la vidéo faute d’un contact direct avec lui». Ainsi, elle appelle les autorités à «négocier avec tous les réseaux sociaux l’ouverture de bureaux de représentants en Algérie qui seront soumis, dans le cadre d’une convention bilatérale, à une charte de déontologie conforme à la loi algérienne». Elle suggère également «d’alléger les procédures bureaucratiques dans la lutte contre ce fléau».

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Enfin, le Dr Ibtissem Hamlaoui, militante au Front de libération nationale (FLN) et candidate potentielle aux législatives anticipées de juin 2021, lance à l’adresse de ceux qui ont tenté de souiller son honneur que «le combat politique se situe dans l’arène des idées et des projets et non pas dans les égouts de la République où pèchent, derrière leurs écrans d’ordinateur, certains de ceux qui ont eu la fâcheuse habitude de téter les mamelles de l’ancien système rentier et mafieux».

«La colombe Algérie ne s’envolera vers un nouvel horizon radieux qu’avec ses deux ailes, l’homme et la femme et la main dans la main», conclut-elle, ponctuant qu’à défaut, «nous continuerons à patauger dans les résidus accablants d’une culture, mille fois dépassée, qui a réduit la femme à un être mineur depuis au moins le XIIe siècle et imposé une camisole de force à la société».

Vers la création d’une commission judiciaire

Dans le but de donner aux pouvoirs publics un moyen efficace de mettre en œuvre les dispositions de la loi de lutte contre l’atteinte à la vie privée, le sénateur Abdelouaheb Benzaim explique dans une déclaration à Sputnik la nécessité de créer une commission judiciaire dotée de tous les pouvoirs.

«Il y a lieu de créer une commission judiciaire nationale dotée de tous les pouvoirs et des moyens nécessaires pour surveiller les abus sur les réseaux sociaux contre tous les citoyens, hommes et femmes, pour procéder, dans le cadre de la loi, à la suppression immédiate des publications injurieuses auprès des opérateurs Internet, et l’engagement de procédures judiciaires rapides contre les mis en cause et ceux qui relayent leurs publications», expose-t-il, soulignant que «cette commission sera sous l’autorité du ministère de la Justice».

La loi algérienne prévoit une peine de deux à six mois de prison ferme assortie d’une amende contre toute personne ayant diffusé de fausses informations dans le but de porter atteinte à autrui.

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