Les Algériens se réapproprient la rue. Cette semaine qui s’achève a été marquée par la reprise des marches pacifiques du Hirak, le mouvement citoyen qui a débuté il y a très exactement deux ans pour contrer un cinquième mandat du Président déchu Abdelaziz Bouteflika.
Ce vendredi 26 février, des manifestations se sont déroulées dans plusieurs villes du pays, dont Alger. Ce retour intervient après une trêve de 11 mois imposée par la pandémie de coronavirus.
Dans la capitale, les autorités ont réagi en mettant en place un important dispositif sécuritaire dans le centre-ville. Plusieurs personnes ont été arrêtées à proximité de la place Maurice-Audin avant même le début de la marche qui a commencé à 14h, juste après la prière du vendredi. Des interpellations ont également été signalées dans d’autres villes.
Slogans antipouvoir
La veille, les services de sécurité avaient fermé les principaux accès de la capitale, occasionnant des bouchons de plusieurs kilomètres jusque tard dans la nuit de jeudi. Cela n’a pas empêché plusieurs milliers de personnes, venues de tous les quartiers d’Alger, de se rassembler dans le centre-ville. Parmi elles, les militantes du carré féministe qui s’est reformé ce vendredi.
Les marcheurs ont scandé des slogans antipouvoir, accusant notamment l’armée d’avoir imposé le Président Abdelmadjid Tebboune et mettant en avant le caractère pacifique du Hirak. Économiste et activiste politique, Smail Lalmas précise à Sputnik que le retour des marches «vient démentir la théorie de ceux qui avaient annoncé la fin du Hirak».
«Depuis le 16 février, le peuple a bravé les interdits dans les localités de Kherrata et de Khenchela. Puis la diaspora algérienne a confirmé son adhésion au Hirak lors de manifestations à Paris, à Montréal et à Bruxelles. Enfin, le 22 février, jour anniversaire du Hirak, des marches ont été organisées dans de nombreuses villes d’Algérie malgré le quadrillage des forces de l’ordre», affirme-t-il.
«Départ du régime»
Smaïl Lalmas indique que la reprise du Hirak ne doit pas être perçue comme «la célébration d’un anniversaire». «Les Algériens ne sont pas dans une logique de commémoration, ils sont sortis pour confirmer la volonté du peuple d’atteindre les objectifs du Hirak, notamment le départ de ce régime.»
«C’est une démonstration de la conscience populaire qui s’est imposée depuis février 2019. J’ai l’impression que cette longue trêve a permis à cette conscience de gagner en maturité. D’ailleurs, j’ai été surpris par la qualité des slogans et des échanges que j’ai eus dans la rue. À mon sens, le Hirak de 2019 a évolué et est devenu une véritable révolution», souligne Smaïl Lalmas.
Depuis quelques jours, des appels ont été lancés à travers les réseaux sociaux pour sensibiliser les manifestants au port du masque afin d’éviter la propagation de Covid-19.
L’économiste reconnaît que le «départ du régime» reste la principale revendication du Hirak mais que ce mouvement n’a pas encore réussi à proposer d’alternative politique. «C’est une révolution qui est menée par le peuple, contrairement à d’autres pays où le mouvement est porté par des partis ou des personnalités. Le projet politique sera le fruit de l’intelligence et de la volonté collectives», dit-il.
«Il est vrai que le Hirak draine plusieurs courants politiques, mais la première étape de notre démarche consiste justement à rassembler toutes les tendances pour obliger le système à partir. Nous ne devons exclure personne. La seconde étape permettra à ces tendances de se structurer pour ensuite organiser des élections. C’est au terme de cette compétition politique que pourra se construire le projet de société», ajoute Smaïl Lalmas.
La reprise du Hirak coïncide avec celle des activités du Président Abdelmadjid Tebboune après une longue convalescence due à une infection au coronavirus. Rentré le 12 février d’Allemagne, le chef de l’État algérien a prononcé un discours à la nation, jeudi 18 février, pour annoncer «un changement radical».